1425 - Lettre de concession du duc Jean V pour l'érection de fourches patibulaires

De GrandTerrier

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Une lettre où il est question d'autorisation d’exécutions de condamnés par la juridiction temporelle de l'Evêque de Quimper.

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Auparavant l'utilisation de fourches patibulaires n'était autorisée qu'au pouvoir ducal. Les instruments de justice de l'évêque de Quimper vont pouvoir être érigés sur la montagne de Kerelan, de telle sorte que les pendus y seront exposés à la vue des passants jusqu'au 18e siècle.

Autres lectures : « 1614-1640 - Aveu de l'évêque de Quimper pour les fourches patibulaires de Kerelan » ¤  « 1682 - Possessions gabéricoises du seigneur de Coëtlogon, évêque de Quimper » ¤ « BLANCHARD René - Lettres et mandements de Jean V duc de Bretagne » ¤ « HÉVIN Pierre - Consultations et observations sur la coutume de Bretagne » ¤ « CHATELLIER Armand (du) - Evêché et ville de Kemper » ¤ 

Introduction

Jusqu'en 1424-25, ni le seigneur évêque de Quimper, ni les autres seigneurs de même rang, n'avaient un véritable droit de haute justice, car ils ne pouvaient pas procéder aux exécutions des condamnations à mort. Ils devaient obligatoirement présenter les condamnés devant la justice ducale

En 1425, sur l'autorisation expresse du duc de Bretagne Jean V dit le Sage [1], l'évêque Bertrand de Rosmadec put ériger ses propres fourches patibulaires, comme l'attestent les références de cette lettre de concession détaillés ci-dessous. Ces patibulaires épiscopales seront bâties sur la montagne de Kerelan où elles resteront debout jusqu'à la Révolution.

On dispose de deux mentions précises de cette lettre. La première par Pierre Hévin [2], avocat du Parlement de Bretagne, qui la date du 24 février 1424. Dans le cadre de ses consultations sur les « Coutumes générales de Bretagne », il explique que cette lettre représente un tournant historique pour les pouvoirs des seigneurs hauts-justiciers en Bretagne.

La deuxième est le livre de référence de toutes les lettres et mandements de Jean V publié par la société des Bibliophiles bretons, annotés et introduits par René Blanchard. Dans cet ouvrage il est question de lettres au pluriel, datées du 24 février 1425 et d'une citation précisant l'utilité de ces nouvelles fourches patibulaires : « pour y estre executez les condamnez par sa justice seculiere, par ce que et non autrement, les juges et officiers ducaux demeureront dechargez de l'execution des condamnez par la juridiction temporelle de l'eveque ». Les signataires sont le duc lui-même et son secrétaire Jean de Touscheronde [3].

La mention de cette lettre présentée par René Blanchard est tirée d'un inventaire des archives départementales du Finistère effectué en 1616, à savoir l'ancien catalogue de la série G, fonds dit de l'Evêché. Le document originel est-il toujours aux Archives ? Mystère pour l'instant ; l'enquête est ouverte !

Dessin inspiré d'un croquis de Laurent Quevilly, OF 1984

Transcriptions et sources

A. Archives de Bretagne

Recueil d'actes, de chroniques et de documents historiques rares ou inédits, publié par la Société des Bibliophiles bretons, avec notes et introduction par René Blanchard, Lauréat de l'Institut.

Page 149 du tome 6, « Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne de 1429 à 1431 ».

(Lettre n°) 1618.

Mention (Ar. Finistère, G, f. de l'évêché de Quimper. Inventaire de l'année 1616). - Mention (Hévin, Consultations sur la Coûtume, Rennes, 1734, consultat. III, p. 10).

1425, 24 février. - Lettres de concession au seigneur évêque de Quimper du droit d'ériger des fourches patibulaires « pour y estre executez les condamnez par sa justice seculiere, par ce que et non autrement, les juges et officiers ducaux demeureront dechargez de l'execution des condamnez par la juridiction temporelle de l'eveque ».

Signé, Par le duc. - De Touscheronde.


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B. Coutume de Bretagne

Consultations et observations sur la coûtume de Bretagne par feu M. Pierre Hévin.

IIIe consultation. Pages 8 à 10.

Si l'on veut remonter plus loin dans l'antiquité, on trouve une autre cause qui multipliot encore beaucoup l'occupation du Bourreau attaché au service des Juges du Duc ; c'est qu'encore que les Juges Auts-Justiciers pussent condamner à la mort sans appel, neanmoins la pluspart ne pouvoient executer faute de patibulaire, dont le Duc ne communiquoit guere le droit dans les premiers temps, même aux plus grandes Seigneuries ; de sorte que les Officiers du Haut-Justicier qui avoient condamné à mort, menoient Le patient jusqu'à my-chemin du patibulaire qui étoit un peu éloigné des Villes, auquel endroit les Juges du Duc prenoient le condamné & le menoient faire pendre au gibet, reputant cette execution à honneur & privilege.

[...]

Mais l'un des plus célèbres exemples & qui explique plus positivement la chose se trouve dans les titres de l'Evêché de Quimper qui apprennent que, la mode ayant changé d'estimer à honneur & privilège pour les Juges du Duc le soin de faire pendre les condamnez par des Juges Inferieurs, ils refusèrent d'entretenir cette Coûtume qui passa par suite de temps plûtôt pour une servitude, que pour une prerogative ; De sorte que l'Evêque de Quimper ayant remontré aux Duc Jean V ce refus de ses Juges d'executer les condamnés par les Juges du Reguaire, il fit expédier ses lettres le 24 Février 1424 par lesquelles il permet à l'Evêque de lever en ses fiefs une justice patibulaire pour y être executez les condamnez par sa Justice seculière parce que, & non autrement, ses Juges & Officiers demeureront déchargez de l'execution des condamnez par la Jurisdiction temporelle de l'Evêque. [...]

Délibéré à Rennes, le 4 Septembre 1683. Signé, HEVIN.

Annotations

  1. Jean V de Bretagne, également connu sous le nom de Jean le Sage, est né en 1389 à Vannes et mort en 1442 près de Nantes. Il est le premier fils et le troisième enfant du duc Jean IV et de sa troisième épouse Jeanne de Navarre. A la mort de son père en 1399, il devient duc de Bretagne.
  2. Pierre Hévin, (1621 ou 1623-1692), historien et jurisconsulte français, officiant à Rennes (Bretagne). C'est un champion de l'absolutisme royal et un adversaire posthume de Bertrand d'Argentré. Il est l'auteur de travaux importants sur le droit breton, notamment l'édition des « Coutumes générales de Bretagne et usements locaux de la même province » en 1693.
  3. Jean de Touscheronde fut secrétaire du duc Jean V de Bretagne et reffier du parlement. Lors du procès de Gilles de Rais il sera chargé de l'enquête civile.



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Thème de l'article : Un document ancien mentionnant des lieux ou des personnes d'Ergué-Gabéric Création : Septembre 2011    Màj : 13.07.2023