1736-1740 - Défense des droits de fief, de justices et de prééminences pour Lezergué

De GrandTerrier

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Suite au déboutement des droits de justice et de coutumes en 1682, lors de la Réformation du domaine royal, les déclarants noble de Lezergué présentent ici un argumentaire pour le rétablissement de leurs privilèges.

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A priori il n'y aura pas de nouvelle décision de justice dans le sens du présent mémoire et la révolution française apportera une nouvel équilibrage des privilèges et des droits fonciers et d'organisation de la justice.

Autres lectures : « 1511 - Mandement de la Chancellerie pour relever les patibulaires de Lezergué-Lestonan » ¤ « 1540-1646 - Adveus de Lesergué extraicts de l'inventaire de Kempercorantin » ¤ « 1680-1682 - Papier terrier et déboutement de réformation du domaine de Lezergué » ¤ « Présentation et historique du manoir de Lezergué » ¤ « Histoire de Lezergué et de ses occupants » ¤ « Familles nobles gabéricoises » ¤ « Guy Autret et l'église d'Ergué-Gabéric, défense de ses prééminences » ¤ « 1614-1640 - Aveu de l'évêque de Quimper pour les fourches patibulaires de Kerelan » ¤ « 1749-1752 - Mémoires du sieur Chevalier Geslin pour son moulin de Pennanrun » ¤ 

Introduction

Ce mémoire [1] de 15 pages, entièrement retranscrites ci-dessous, a pour but la défense des droits de fief, de patibulaires [2], de haute basse et moyenne justice [3], et les prééminences [4] en faveur de la propriété noble de Lezergué. Ce document, conservé aux Archives départementales du Finistère (côte 32 J 70), n'est pas daté.

Mais on peut déduire qu'il est postérieur aux aveux produits par les héritiers successifs de Guy Autret, à savoir Guy de Charmoys (1645-1689) [5] et Jacques du Bot de Talhouet [6], tous deux cités avec le titre de seigneur de Lezergué. Ultérieurement, François-Louis de La Marche, vint habiter Lesergué en acquérant cette terre et celle de Kernaou, par contrat du 31 octobre 1736, de François du Bot (frère de Jacques), chevalier de Talhouet [7].

Le mémoire [1] transcrit ci-dessous a sans doute été sollicité en 1736-40 par François-Louis de La Marche, ce dernier n'étant pas nommé, mais cité comme seigneur de Lezergué dans les dernière pages du mémoire. Le texte a été rédigé par un avocat très documenté et très au fait des lois et coutumes locales, de son époque et des siècles précédents.

Bien qu'il soit rédigé au 18e siècle, le document apporte des informations très intéressantes sur l'origine et l'évolution du lieu noble de Lezergué depuis le 15e :

  • Les premiers propriétaires : le mémoire débute par un aveu de 1497 pour Lesergué par Jean de Coatanezre, sieur des Salles, auquel le roi et le duc de Bretagne répondent par lettres patentes. Le manoir de Lezergué est cité explicitement avec même la signification ancestrale de « Cour d'Ergué ». Par contre les titulaires qui auraient précédé les Coatanezre, à savoir les Cabellic, ne sont pas mentionnés.
  • Les fourches patibulaires : dès le premier aveu de 1497 les justices patibulaires [2] sont précisées avec l'indication qu'elles comportaient deux poteaux (« à deux pots ») et qu'elles « étaient tombés et choits à terre » [8]. Les lettres patentes de 1500 et 1510 confirment le droit d'usage de ces fourches patibulaires. Plus loin dans le mémoire, à propos d'aveux de 1681 et de 1686, on apprend que que le gibet était situé « dans une montagne dépendant de son lieu de Lestonan en la ditte paroisse d'Ergué gaberic ».
  • Les droits seigneuriaux : Lezergué disposait à l'origine de tous les droits seigneuriaux, à savoir le droit de fief (chefrentes ...), de patibulaires [2], de haute justice [3], de prééminences [4] et autres droits honorifiques. Guy Autret dans les années 1630 avait obtenu les arrêts officiels de confirmation de ses droits, y compris le procès gagné contre Alain de Kersulgar pour ce qui concerne les prééminences [4]. À la Réformation des domaines en 1682 [9], ces droits vont s'amoindrir par déboutement : le droit de justice est supprimé (bizarrement les patibulaires de Lestonan sont maintenus), et les droits de prééminences [4] (enfeux [10]) seront également contestés. D'où l'objet du mémoire [1] pour demander le rétablissement des anciens droits.
  • Les héritiers de Guy Autret : le document nous confirme que le manoir de Lezergué, hérité de Guy Autret, ne fut pas cédé directement aux seigneurs de La Marche. L'héritier direct de Guy Autret était Guy de Charmoy [5], celui-là même qui sera débouté lors de la Réformation, et qui était son petit cousin. Ensuite la propriété de Lezergué fut cédée à Jacques du Bot de Talhouet [6].
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Transcription

Feuillet 1

Mémoire [1]

Primo suivant acte judiciel du 7 avril 1497 de la sénéchaussée [11] Royale de Quimper, noble écuyer Jean de Coetannere sieur des Salles démontre qu'il luy appartenoit et qu'il possedoit en la paroisse d'Ergué-Gabéric un manoir et herittages, de grands et somptueux ediffices, plusieurs hommes et sujets, ledit mannoir appellé Lesergué qui veut dire en français la Cour d'Ergué, et que de tems immémorial ses autheurs avoient justices patibulaires [2] en laditte paroisse d'Ergué lesquelles étaient tombés, et choits à terre, et que les dits faits estoient vrays, nottoires et manifestes, et de publique renommée au païs, et demande au lieutenant de Quimper permission d'en informer, ce qui luy fut accordé touchant les patibulaires [2] à deux pots par le dit acte judiciel du 17e avril 1499.

Secondo par lettres patentes de Louis douze Roy de France, et duc de Bretagne du 4 juin 1500 scellées du grand sceau adressant aux conseillers maistres des Requettes ordinaires, sénechal, bailli, et lieutenant de Cornouaille, il est entr'autres choses donné pouvoir et commission de restablir le dit Jean de Coatannere en la primitive possession des Justices patibulaires [2] à deux pots luy appartenant en la paroisse d'Ergué gaberic, déclarant recevoir le dit Coatannere, ses enfants, hommes et biens, et les dites justices en la protection et sauvegarde générale et spéciale du Roy.

Tertio par autres lettres patentes du même Roy Louis douze du 14 novembre 1510 le dit Coatannere est maintenu en la possession des dits patibulaires [2] de la maison et manoir de Lezergué paroisse d'Ergué gabéric avec ses armes et armoiries tant en ceintures, lizières [12],

Feuillet 2

tombes enfeux [10] avec autres droits et préminances en l'église de ladite paroisse ; les dittes lettres adressées au senechal, baillif et lieutenant de Quimper sur l'exposé dudit Coatannere que luy et ses autheurs avoient et possedoient plusieurs herittages, hommes, fefs et justices patibulaires [2] à deux pots, les dittes lettres ont estés publiées suivant la relation audos d'icelles du 19e juillet 1511.

Quinto Ecuyer Guy Autret sieur de Lesergué a fourny aveu [13] au Roy dudit mannoir de Lesergué le 29e juillet 1634 par lequel il s'inféode de plusieurs articles de mouvances et chefrentes [14], obeÎssances, rachapts [15] et ventes avec droit de haute basse et moyene justice [3] sur ses hommes et sujets, et de la faire exercer par sénéchal procureur fiscal greffier, procureurs, nottaires et sergents.

Par arrest de la chambre des Comptes du 15 septembre de la même année 1634, l'arret fut renvoyé pour estre publié en la sénéchaussée [11] de Quimper après quoy et le tout repporté en la ditte chambre des comptes de Bretagne, le dit aveu [13] fut reçeu par arrest du 21e juillet 1635 sans restriction, ny modification.

Sexto par l'exposé d'un arrest du conseil privé du Roy du 9e may 1636 il s'apprend que par arrest du parlement de Bretagne du 6 septembre 1604, ecuyer Alain de Kersulgar sieur de Mezanlez en la même paroisse d'Ergué gaberic avoit esté déboutté de l'opposition par luy faitte au rétablissement des préminances [4] et droits honoriffiques en l'église paroissiale d'Ergué gaberic qu'avoit fait ledit Guy Autret seigneur de Lezergué en sorte que ledit sieieur de Kersulgar s'estant pourvû au conseil en Cassation, et l'instance y ayant esté

Feuillet 3

instruite contradictoirement, ledit Kersulgar par ledit arrest du conseil du 9e may 1636 a esté déboutté de la requette, et condemné aux dépens.

Il est essentiel d'observer que ledit seigneur de Lesergué avoit produit au conseil les lettres pattentes cy-dessus concernant tant les droits de préminances [4], et honorifiques de patibulaires [2] à deux pots, que l'aveu [13] et l'arrest de la chambre cy-desss datté portant inféodation de mouvances, ligences [16], et droits de hautte basse et moyene justice [3] ce qui asseure la foy de ces sceaux et les droits y portés pour et à cause de la terre et seigneurie de Lesergué.

Septimo par les lettres patentes du Roy du mois d'aoust 1638 registrées au parlement de Bretagne le 12 janvier 1639, le dit Guy Autret seigneur de Lesergué expose que la ditte terre de Lezergué est ornée de droits de basse et moyene justice [3], fiefs, et droits honorifiques en la paroisse d'Ergué gaberic, comme banc [17], lizières [12], vitres, armoiries en bosse, et sa majesté voullant le gratiffier luy accorde tous ces tels droits honorifiques, prerogatoires, et préminances [4] qui appartient à sa Majesté en l'église paroissialle d'Ergué gaberic, et en la chapelle de Saint Guenollé, avec tout pouvoir de faire mettre ses armoiries, blazons, et enseignes de noblesse, en dedans et en dehors de la ditte église, et chapelle au lieu plus éminant tant en vitres, lizières [12], qu'en bosse en tous endroits que bon luy sembleroit, lesquels preminances [4] et droits honorifiques le Roy annexe et renvoit à la ditte terre et seigneurie de Lezergué.

Feuillet 4

Le seigneur de Lesergué aux fins d'arrest du 15 novembre 1638 fit faire les publications requises en pareil cas, et ayant ensuitte présanté sa requette à la Cour, et attaché les dittes lettres pattantes, procès verbaux de publication, ensemble l'aveu [13] cy dessus datté du 29 juillet 1634, et l'arrest de la Chambre, le Cour sur les conclusions de Monsieur le procureur général du Roy, par arret du 12 janvier 1639 a ordonné que les dittes lettres seroient enregistrées pour en jouir l'impetrant bien, et duement à la charge que les armes du Roy seront mises au plus haut lieu de la principalle vitre de la ditte église au grand autel aux frais du dit Autret et que celles qui y sont seront par luy entretenu à l'avenir.

Suivant procès verbal du 6 aoust 1640 Monsieur Dufos Keraly conseiller au parlement en exécution d'autre arrest de la cour du 19 janvier 1639 a descendu en l'église paroissialle d'Ergué, a mis le dit Seigneur de Lezergué en possession et préminances [4] des dits droits honorifiqies, luy accordés par le Roy, et en a fait estat et procès-verbal.

Lors de la Refformation du domaine [9], Escuyer Guy de Charmoy comme Seigneur de Lezergué, fournit déclaration aux commissaires refformateurs [9] et adjonction les 16 et 18 mars 1681 et 1682 et fit son induction.

Par cette déclaration ou aveu [13] le dit seigneur de

Feuillet 5

Lesergué employe les rentes et cheffrentes [14] dépendants de la ditte seigneurie de Lesergué avec les droits de ligences [16], lods, ventes [18], et rachapts [15]. Sur les terres à ligences [16],il s'inféode même avers ses domainiers congéables [19], commerces justiciables, et enfin, il déclare qu'à cause de sa terre de Lesergué il a droit et est en possession de hautte, basse et moyene justice [3], et de patibulaires [2] dans une montagne dependant de son lieu de Lestonan en la ditte paroisse d'Ergué gaberic, avec faculté de faire exercer sa jurisdiction et justices [3] sur les hommes et vassaux de la ditte terre tant à foy qu'à domaine.

Le dit sieur de Kerarret au soutient de la ditte déclaration fournit son induction et produisit les pièces, et aveus [13] cy dessus cottés, et sur les contredits de bougies pour les refformateurs [9] le commissaire a rendû la sentence le 9e septembre 1682 dont voicy la teneur.

Nous commissaires susdits avons reçeu la déclaration du dit sieur Charmoy seigneur de Kerarret à la charge de tenir et relever les dits manoirs de Lezergué et de Kernaou, et autres héritages mentionnés et dittes déclarations prochement et noblement du Roy aux charges et devoirs porté par ycelle ; et (...) payer sur le village de Quilinezec quatres deniers monois [20], sur celuy de Poulssuisic deux deniers monnois [20], et sur le village de Pouldeuic aussy deux deniers monnois [20] de cheffrente [14] au Roy conformément aux aveux [13]

Feuillet 6

de 1540, 1541 et 1617, payeable à la receptte dudit domaine de Quimper jour et terme de Saint Michel en septembre dont ledit sieur deffendeur sera enrollé sur le nouveau rentier [21] de la paroisse d'Ergué gaberic avons debouttés le sieur deffendeur du droit de hautte moyene et basse justice [3] avec deffence de s'en servir, et pour les usurpations d'icelle l'avons condemné en cinq cents livres d'amande, l'avons pareillement déboutté du droit de coutume, et au surplus les dittes déclarations reçeües pour estre inserées dans le registre dudit domaine de Quimper à y avoir recours dès lors qu'il y sera besoin. Fait à Quimper ce 9e septembre 1682.

Enfin le six juin 1686 le même écuyer Guy de Charmoy seigneur de Lezergué fournit aveu [13], minu [22] et dénombrement de la terre de Lesergué et Kernaou à la chambre des comptes où il employ primo le droit de sépulture, et d'enfeu [10] élevé prohibitif au milieu du choeur de l'église paroissialle d'Ergué gaberic avec trois autres tombes basses au même choeur armoyés des armes de Lezergué, Kerfres et Lesongar, comme aussy un banc au choeur avec le droit de lizières [12] funèbres tant dehors que dedans et secundo il dénomme les rentes tant en fief qu'à domaine, et s'inféode des cheffrentes [14] luy dubs sur certains villages tenus à devoir de foy hommages [23] et rachapts [15] comme ligences [16] dépendantes de la ditte terre et seigneurie de Lezergué.

Feuillet 7

Il est de plus porté qu'à cause de la ditte terre et seigneurie de Lezergué le seigneur avouant à droit de hautte basse et moyene justice [3] et de patibulaires [2] élevés dans une montagne dépendant du lieu de Lestonant en la ditte paroisse d'Ergué gaberic, aux facultés de faire exercer la justice [3] sur les hommes et vassaux de la ditte terre tant à foy qu'à domaine.

Le dit aveu [13] après un arrest de renvoy en la sénéchaussée [11] de Quimper, et les patibulaires [2] faites en conséquence, (...) reçeû par arrest de la chambre des comptes du 29 novembre 1687 dont la teneur ensuit.

Suite du feuillet 7

La chambre a ordonné et ordonne que le présent aveu [13] contenant dix rolles cottés et paraphés sera receu et ajouté à l'inventaire des aveux [13] de la jurisdiction de Quimper-Corentin, et a reyé les droits de sépulture, et enfeu [10] prohibitif en l'église d'Ergué gaberic avec trois autres tombes basses au choeur de la ditte Eglise, et un banc droit de lizière [12] funébre, de mettre les armes du suppliant en supériorité tant en la ditte église, et lieux plus éminant icelle qu'en la chapelle du Saint Guehenec, droits d'avoir les premiers honeurs, pain bény, et prières nomminales de coutume aux jours d'assemblées, préminances [4] en la chapelle de Saint Guenolé, vitre en l'église de nôtre dame de paradis tous les dits droits employés au présent aveu [13], et à aussy rayé la clause de sauf augmenter ou diminuer et si aucune saizie absté apposée fautte de rapport

Feuillet 8

dudit aveu [13], en exfait main levée payant les frais de justice, fait en la chambre des comptes à Nantes le 29e novembre 1687.

Ecuyer Jacques du Bot seigneur de Lezergué a fourny aveu [13] et dénombrement au Roy le 30e novembre 1733 à cause du joyeux avenement à la couronne. Il y a employé les droits honorifiques cy-dessus marqués avec les mouvances et cheffrentes [14] et droits de fieffs dépendants de la terre de Lezergué, le dit avouant ne parle point du droit de hautte basse et moyenne justice [3], ny de celuy de patibulaires [2] à deux potaux.

Il faut icy observer que le seigneur de Lesergué avoit en 1734 et 1735 afféagé quelqu'une des tenes nobles possédée sous luy à titre de domaine congéable [19], et dépendant de sa terre de Lezergué. en faisant de son domaine son fief, et ayant communiqué ses contrats d'afféagement au receveur du domaine au soutient de son aveu [13] du 30 novembre 1733 avec la sentence de la refformation [9], et l'arrest de la chambre cy-dessys datté des 9e septembre 1682, et 29 novembre 1687, le dit receveur du domaine à la vue de touttes ces pièces prétend impunis cet aveu [13] en disant :

Primo que l'avouant s'inféode de droits dont il a esté deboutté pour les dittes sentences de la refformation [9] et arrest de la chambre, scavoir du droit de fieff et de ligence [16].

Secondo du droit de preminance [4] et autres droits

Feuillet 9

honorifiques, et sur ce principe il prétend faire déclarer comme simples rentes censives et foncières les chefrentes [14] dus au seigneur de Lesergué par les enciens aveux [13] sur les villages de Mellenec, Squividan et autres, et faire réunir les dittes tenues au domaine à la charge des rachapts [15], lods et ventes [18] au profit de sa majesté.

Tertio à l’égard des nouveaux afféagements il prétend les faire déclarer simples rentes censives sur le motif que la terre de Lesergué n’ayant aucune principe de fief ny jurisdiction dont il a esté déboutté par la sentence de la refformation [9] de laquelle il n’y a point (…) et qui ne seroit plus à présent recevable, il n’a pû créer des rentes féodales par les dits actes d’affeagements parce que pour faire un véritable féage de son domaine noble il faut qu’il fasse partie d’une seigneurie ayant fief et jurisdiction suivent l’arrest randu contre le sieur du Crosquo Lantivi [24] au mois de juin 1665 sur le motif que le sieur de Crosco n’avoit ny principe de fief ny jurisdiction à la terre d’où dépendoit le domaine qu’il avoit voullu afféager suivant le sentiment de D’Argentré et de Dumoulin, et la constitution du duc Jean 5 du commencement du fief 1400 qui ne permet d’afféager et créer des rentes féodales qu’au seigneur qui a fieff. |}

Feuillet 10

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A cela le seigneur de Lesergué répond primo qu’il est vray que pour pouvoir afféager un domaine il faut qu’il dépende d’une terre qui ayt principe de fieff, et comme les domaines dont il s’agit dépendent de la terre de Lesergué, il a pû les afféager puisque cette terre a principe de fieff.

Pour le prouver on oppose au fermier du domaine d’un costé les pièces cy-dessus rapportés au commencement, et principalement l’aveu [13] du 29 juillet 1634 qui n’a jamais esté impuni dans le temps prescript par l’article 361 de la coutume, et d’un autre costés les procédures et arrest au sujet des patibulaires [2] à deux pots, enfin on oppose même au préposé pour le domaine la sentence de la Réfformation de 1682, et l’arrest de la Chambre de 1687.

En effet par la déclaration, et l’aveu [13] sur lesquels les dits jugemenrs ont esté randus, le seigneur de Lesergué s’est inféodé des droits de fieff, mouvances et cheffrentes [14].

Il est vray qu’il s’estoit aussy inféodé du droit de hautte basse et moyene justice [3] tant sur ses hommes de fieff que sur

Feuillet 11

ses domainiers, et des droits honorifiques et des préminances [4] sur quoy il faut essentielement observer que la sentence de la Refformation de 1682 [9] deboutte le seigneur de Lesergué du droit de hautte basse et moyene justice [3] avec l’amande de cinq cents livres pour l’usurpation d’ycelle, et ordonne la réception de la déclaration au surplus.

D’où il est évident que le seigneur de Lezergué est maintenu dans le droit de fieff de ligence [16] (…) dont il n’est pas deboutté quoy qu’il le soit du droit de hautte basse et moyene justice [3].

Personne n’ignore que lors de la Refformation du domaine [9] le deffaut de prouver le droit de justice [3] par la possession de cent ans portoient les refformateurs [9] à déboutter de ce droit, mais il ne s’ensuivoit pas de ce débouttement qu’on fut deboutté du droit de fief et mouvance, parce que quoy qu’il soit extraordinaire dans cette province de trouver un fief sans justice [3], il arrive cependant que quelques fois le fieff est séparé de la jurisdiction soit par la loy (…) , soit par la prescription ou deffaut de possession, et dans le cas présent si le Refformateur [9]

Feuillet 12

avoit eu intention par la sentence de 1642 de dépouiller la terre de Lesergué du droit de fieff, ligences [16], et mouvances dénommés dans la déclaration, il n’eut pas manquer de l’expliquer ainsy, et si réunir les mouvances au domaine et de déclarer les cheffrentes [14] simples censives, ou rentes foncières.

Il faut encore observer que par la sentence de la Refformation [9] le seigneur de Lezergué n’a point esté déboutté du droit de patibulaire à deux pots. Ainsy on ne voit pas sur quel principe le réformateur a deboutté du droit de jurisdiction si ce n’est par la prescription et depossession qui n’empecheroit pas le droit de fieff et de mouvance.

D’un autre costé l’arrest de la Chambre du 29 novembre 1687 ne deboutte pas du droit de fieff et de mouvance, ny de patibulaire [2] à deux pots, ny même du droit de hautte basse et moyene justice [3], employé dans l’aveu [13] du six juin 1686, il deboutte seullement des droits de sépulture, et enfeux [10] prohibitifs, tombes, et autres préminances [4] denommés dans le dit arrest, en quoy il paroit de la contradiction entre cet arrest, et la sentence de la Refformation [9], puisque cellecy maintien dans les dits droits honorifiques, et de préminances [4] employé dans la déclaration de 1682 dont

Feuillet 13

elle ordonne au surplus la reception, et deboutte des droits de hautte moyene et basse justice [3] au lieu que l’arrest ne deboutte que des dits droits honorifiques que maintien la sentence de la Refformation [9], en conformité des lettres patentes de concession (…) d’arrests du Parlement, de la Chambre, et du Conseil privé du Roy, peut-estre parce que ces pièces ne furent pas représentées à la Chambre lors de la reception du dit aveu [13] de 1686 comme elles furent représentées lors de l’arrest de la Chambre du 21 juillet 1635 sur l’aveu [13] du 29 juillet 1634, et comme on les représenta aussy dans l’induction lors de la sentence de la Refformation de 1682 [9].

Enfin quant au sentiment de monsieur d’Argentré il convient en général avec les autheurs feudistes que le fieff et la justice [3] n’ont rien de commun, et que l’un peut estre sans l’autre, mais il dit cependant qu’en Bretagne Rarum est repereri feudum sine juridictione d’où il est évident que ce qui est rare peut cependant arriver, et qu’ainsy si le deboutement du droit de hautte basse et moyene justice [3] n’emporte pas le déboutement du droit de fief et de mouvance.

Feuillet 14

Sur quoy l’on demande au Conseil :

Primo si le seigneur de Lezergué n’est pas bien fondé à souttenir le droit de fieff deppendant de la seigneurie de Lezergué avec les mouvances exprimées dans ses aveux [13] et le droit de faire son fief de son domaine noble dépendant de Lezergué.

Secundo s’il ne seroit pas fondé à relever appel de la sentence de la Reformation qui le deboutte du droit de hautte basse et moyene justice [3] d’autant qu’il n’est pas déboutté du droit de patibulaire [2] à deux pots qui suppose justice moyene [3] et comme on luy opposera le laps de temps depuis la ditte sentence, s’il ne faudroit pas pour cela le pouvoir au grand sceau en relief du laps de temps.

Tertio si nonobstant l’arrest de la Chambre de 1687 au sujet des droits de tombes honorifiques et préminances [4], il n’est pas fondé à prétendre les dits droits conformément aux lettres patentes de concession, arrest du Parlement,

Feuillet 15

de la Chambre, et du Conseil privé, et même de la sentence de la Refformation [9], et s’il faudra pour cela entreprendre l’arrest de la Chambre de 1687, et par quelle voye, et en quel tribunal.

Document

Annotations

  1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Mémoire, s.m. : écrit où sont consignés les motifs d'un plaideur. Source : Trésor Langue Française. [Terme] [Lexique]
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 2,11 2,12 2,13 2,14 et 2,15 Fourches patibulaires, s.f.pl : colonnes de pierre dotées d'une traverse de bois où les condamnés à la mort sont pendus et exposés à la vue des passants. Elles ne servent donc qu'aux supplices capitaux, dont les exécutions ne se faisaient autrefois que hors les villes. Seul le seigneur Haut Justicier a le droit d'avoir des fourches patibulaires (ou gibets), puisqu'il a le droit de condamner un criminel à mort. À l'égard du nombre des piliers des fourches patibulaires, il y en a à 2, à 3, à 4 ou à 6, selon le titre et la qualité des fiefs qui ont droit d'en avoir. Les simples seigneurs Hauts Justiciers n'ont ordinairement le droit d'avoir que des fourches patibulaires à 2 piliers, s'ils ne sont fondés en titre ou possession immémoriale. Les fourches à 3 piliers n'appartiennent de droit qu'aux seigneurs châtelains; celles à 4 piliers n'appartiennent qu'aux barons ou vicomtes ; celles à 6 piliers n'appartiennent qu'aux Comtes. Source : "La justice seigneuriale et les droits seigneuriaux" de Claude-Joseph de Ferrière. [Terme] [Lexique]
  3. 3,00 3,01 3,02 3,03 3,04 3,05 3,06 3,07 3,08 3,09 3,10 3,11 3,12 3,13 3,14 3,15 3,16 3,17 3,18 3,19 3,20 et 3,21 Justice, s.f. : les justices seigneuriales étaient de trois sortes : la haute, la moyenne et la basse. La haute justice est celle d'un seigneur qui a pouvoir de faire condamner à une peine capitale, et de juger de toutes causes civiles et criminelles, excepté des cas royaux. La moyenne justice a droit de juger des actions de tutelle et injures dont l'amende ne peut excéder 60 sous. La basse justice connaît des droits dus au seigneur, du dégât des bêtes et injures dont l'amende ne peut excéder 7 sous 6 deniers, et on l'appelle autrement justice foncière. Source : Littré. [Terme] [Lexique]
  4. 4,00 4,01 4,02 4,03 4,04 4,05 4,06 4,07 4,08 4,09 4,10 4,11 4,12 4,13 et 4,14 Prééminences, s.f.pl. : droits que possédaient certains nobles dans les édifices religieux : droit d'accéder au chœur, droit d'être enterré dans la chapelle, droit d'apposer son blason ... ; source : lexique "au coeur du pays d'Auray". [Terme] [Lexique]
  5. 5,0 et 5,1 Écuyer Guy de Charmoy (1645-1689), sieur de Keraret, fils de Sylvestre et de Marguerite Autret. En 1677, en tant qu'héritier des Autret, il vend la terre de La Villeneuve en Plomeur à Messire Jan Hyacinthe de l'Honoré.
  6. 6,0 et 6,1 Jacques du Bot de Talhouet fils de Jean-Louis Du Bot, major de la noblesse de l’évêché de Vannes, et de Bonne Yvonne de Charmois. Il épouse Marie-Joseph de Cambont-Coaslin, de la maison des ducs et pairs de France de ce nom ; et en secondes noces, Alexandrine du Moulin. Son frère François épouse Anne-Charlotte de Champeaux de L’Hopitau.
  7. Travaux du Comte de Rosmoduc dans son ouvrage « Guy Autret, correspondant de Pierre d'Hozier », [1]. Article « 1635-1659 - Lettres de Guy Autret seigneur de Lezergué, travaux Rosmorduc » : Le manoir était dévolu à son père Guillaume par suite de son mariage avec Isabelle de Kerfors, héritière de cette terre. Le petit-fils d'Yves de la Marche, François-Louis, époux de Marie-Anne du Botmeur, vont habiter Lesergué en acquérant cette terre, et celle de Kernaou et domaine en dépendant, par contrat du 31 octobre 1736, de François du Bot, chevalier de Talhouet, pour la somme de 73.680 livres.
  8. « Si les patibulaires tombaient de vétusté ou étaient renversées par quelque accident, le seigneur devait les faire relever dans l'un et jour, autrement il lui fallait ou produire une nouvelle concession du prince, ou justifier de son droit par possession immémoriale » (Julien-Toussaint-Marie Trévédy, B.S.A.F. 1882).
  9. 9,00 9,01 9,02 9,03 9,04 9,05 9,06 9,07 9,08 9,09 9,10 9,11 9,12 9,13 9,14 et 9,15 Réformation, s.f. - A. du domaine royal : opérations de réformation lancées en Bretagne en 1537 par François Ier et en 1660 par Colbert. Il s'agit de vérifier l'ensemble des déclarations de propriété (les aveux) des sujets du roi, depuis le paysan ou roturier relevant directement du domaine royal jusqu'au puissant seigneur. Les commissaires de la Cour des Comptes de Bretagne siégeant à Nantes, chargés de défendre les intérêts du Domaine Royal, vont vérifier le contenu des aveux fournis pour l'occasion, en le rapprochant des actes similaires produits antérieurement : validité du titre de propriété, montant de la chefrente en nature et/ou argent versée annuellement au roi, droits attachés à la propriété (justice, ...). Source : histoiresdeserieb.free.fr.
    B. des fouages : contrôle permettant de vérifier qui est bien "Noble". Par exemple la Réformation des fouages en Bretagne en 1426 où les nobles doivent prouver leur noblesse, titre leur permettant d'échapper à l'impôt des fouages. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]
  10. 10,0 10,1 10,2 10,3 et 10,4 Enfeu, s.m. : ancien substantif déverbal de enfouir. Niche à fond plat, pratiquée dans un édifice religieux et destinée à recevoir un sarcophage, un tombeau ou la représentation d'une scène funéraire. Avant la Révolution française, les seigneurs du pays étaient enterrés par droit d'enfeu dans un sépulcre de ce genre. Source : Trésors de la Langue Française. [Terme] [Lexique]
  11. 11,0 11,1 et 11,2 Sénéchaussée, s.f. : juridiction d'un sénéchal ; étendue de sa juridiction. Sénéchal, s.m. : officier royal qui, dans certaines provinces, exerce des fonctions analogues à celles d'un bailli pour la justice, les finances, etc. Source : Dict. DMF. [Terme] [Lexique]
  12. 12,0 12,1 12,2 12,3 et 12,4 Lisière, s.f. : bande horizontale décorée de blasons. La lisière funèbre correspondait au droit d'orner à son enterrement l’église de bandeaux noirs avec son blason. [Terme] [Lexique]
  13. 13,00 13,01 13,02 13,03 13,04 13,05 13,06 13,07 13,08 13,09 13,10 13,11 13,12 13,13 13,14 13,15 13,16 13,17 13,18 13,19 13,20 13,21 et 13,22 Aveu, s.m. : déclaration écrite fournie par le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief, à l'occasion d'un achat, d'une succession ou rachat. L’aveu est accompagné d’un dénombrement ou minu décrivant en détail les biens composant le fief. La description fourni dans l'aveu indique le détail des terres ou tenues possédées par le vassal : le village dans lequel se situe la tenue, le nom du fermier exploitant le domaine congéable, le montant de la rente annuelle (cens, chefrente, francfief) due par le fermier composée généralement de mesures de grains, d'un certain nombre de bêtes (chapons, moutons) et d'une somme d'argent, les autres devoirs attachées à la tenue : corvées, obligation de cuire au four seigneurial et de moudre son grain au moulin seigneurial, la superficie des terres froides et chaudes de la tenue. Source : histoiresdeserieb.free.fr. [Terme] [Lexique]
  14. 14,0 14,1 14,2 14,3 14,4 14,5 14,6 et 14,7 Chefrente, s.f. : rente perpétuelle payable en argent ou en nature au seigneur suzerain par le détenteur d'un héritage noble. La chefrente était en principe immuable (Yeurch, histoire-bretonne). [Terme] [Lexique]
  15. 15,0 15,1 15,2 et 15,3 Rachapt, rachètement, s.m. : en terme de coutume droit du au seigneur à chaque mutation du fief (dictionnaire Godefroy 1880). Droit du au seigneur par un nouveau tenancier après une succession qui est appelé également relief ou rachat des rentes (Dict. de l'Académie). [Terme] [Lexique]
  16. 16,0 16,1 16,2 16,3 16,4 16,5 et 16,6 Ligence, ligance, s.f. : état de celui qui est lié à son seigneur, qui lui a engagé sa foi ; vassalité hommage lige, l'obligation de cet hommage, et, selon Ragueau, qualité d'un fief qu'on tient nuement et sans moyen d'un seigneur, en raison de quoi on devient son homme lige (Dictionnaire Godefroy 1880). [Terme] [Lexique]
  17. Ban, s.m. : convocation que le suzerain adressait à ses vassaux surtout pour le service de la guerre. Par extension le groupe même des vassaux ainsi convoqué. Convoquer le ban et l'arrière-ban, faire appel, pour le succès d'une affaire, à tous ceux dont on peut espérer du secours, un appui. Source : Dictionnaire de l'Académie. [Terme] [Lexique]
  18. 18,0 et 18,1 Lods et ventes, s.m.pl, s.f.pl : redevances dues au seigneur en cas de vente d'une censive relevant de son domaine et payées par l'acheteur (lods) et le vendeur (ventes). Source : trésors Langue Française [Terme] [Lexique]
  19. 19,0 et 19,1 Domaine congéable, s.m. : mode de tenue le plus fréquent en Cornouaille et en Trégor au Moyen-Age pour la concession des terres. Ces dernières constituent le fonds et restent la propriété des seigneurs. Par contre les édifices sont concédés en propriété aux domaniers par le propriétaire foncier (généralement noble) qui peut, en fin de bail, congéer ou congédier les domaniers, en leur remboursant la valeur différentielle des édifices nouveaux ou améliorés. Cela comprend tout ce qui se trouve au dessus du roc nu, notamment les bâtiments, les arbres fruitiers, les fossés et talus, les moissons, les engrais. Ce régime qui ne sera pas supprimé à la Révolution malgré les doléances de certaines communes bretonnes, sera maintenu par l'assemblée constituante en 1791, supprimé en août 1792 et re-confirmé en 1797. [Terme] [Lexique]
  20. 20,0 20,1 et 20,2 Monoie, Monnoye, adj : un sol monoie désigne une petite pièce de monnaie faite de billons, c'est-à-dire de cuivre, tenant un peu d'argent, mais plus ou moins, suivant les lieux (Encyclopédie Diderot). Existence de « livres monnoie » et de « deniers monnoye » à signaler également, en complément des livres tournois qui deviendront l'unique monnaie de compte en 1667. [Terme] [Lexique]
  21. Rentier, s.m. : rôle ou registre des rentes qui étaient dues à un seigneur, à l’État ou à une institution. Source : TLFi. [Terme] [Lexique]
  22. Minu, menu, s.m. : terme d'usage en Bretagne, pour exprimer la déclaration et le dénombrement que le nouveau possesseur à titre successif doit donner par le menu à son seigneur, des héritages, terres et rentes foncières qui lui sont échus à ce titre, et qui sont sujets à rachat, pour faire la liquidation de ce droit. Source: Dictionnaire Godefroy 1880. [Terme] [Lexique]
  23. Foi et hommage, s.f. et s.m. : le vassal devait la foi et l'hommage, lorsqu'il entrait en possession de la terre, et lorsque le seigneur le demandait. La foi traduisait un lien personnel ; l'hommage, une reconnaissance du fief (Dict. de l'Ancien Régime). [Terme] [Lexique]
  24. Louis-François de Lantivy, sieur de Crosco en Lignol (Morbihan) fut poursuivi par le seigneur de Guéméné à cause de ses afféagements. Le jugement fut prononcé en juin 1665 dans un arrêt célèbre.



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Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens Création : Février 2011    Màj : 2.03.2024