1794 - Estimations et adjudications de bois taillis ou à sabots à Lezergué et Pennarun

De GrandTerrier

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La mise en vente aux enchères des biens nationaux à la Révolution pratiquée pour les coupes de bois, et notamment quand il est question de hêtres propres à la fabrication de "botoù-koad" ou sabots de bois [1] pour lesquels on constate pénurie et spéculation.

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Autres lectures : « Espaces "Biens Nationaux" » ¤ « Les Geslin, seigneurs de Pennarun aux 17 et 18e siècles » ¤ « Marie-Hyacinthe de Geslin, chouan, seigneur de Pennarun et de Quimperlé » ¤ « 1798 - Vente de bois à Stang-ar-C'hoat » ¤ « 1794-1809 - Aliénation des biens du clergé mis à disposition de la Nation » ¤ 

Présentation

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Les propriétés des Nobles et de l'Église ont été saisies, nationalisées et vendues lors de la Révolution française pour résoudre la crise financière. Les manoirs, chapelles et presbytère, métairies, terres agricoles et convenants [2] sont donc privatisés, mais également les coupes de bois.

Dans la sous-série 1Q « Séquestre des bois et forêts » des Archives Départementales du Finistère, il est question de trois saisies organisées, la première est une adjudication de coupes de taillis appartenant au propriétaire noble émigré du manoir de Pennarun, la deuxième est la confiscation de hêtres pour fabriquer des sabots sur le même domaine de Pennarun, et à Lezergué, et la troisième des pieds d'arbres pour sabots également sur les terres de Lezergué et l'allée de la chapelle de Kerdévot.

L'expert en charge de l'estimation du prix des coupes est Gabriel Gestin, garde des bois « abandonnés par les émigrés ». Le propriétaire dé-saisi de Pennarun est « l'émigré Geslin », c'est-à-dire Marie-Hyacinthe de Geslin (1768-1832), un chouan qui s’illustrera dans l'armée de Georges Cadoudal.

L'adjudicataire de cette première coupe est le bien-nommé Corentin Bourgeon, qui devra respecter les règles usuelles listés dans le rapport d'adjudication, notamment de favoriser la repousse en laissant un nombre légal de baliveaux [3].

Quelques mois après la vente aux enchères du bois taillis de Pennarun, le garde des bois Gabriel Gestin est chargé d'identifier sur les terres des nobles expatriés des plantations de hêtres pour en faire des sabots. Car cette ressource est devenue vitale pour cause de pénurie et il convient de désigner les lieux réquisitionnables : « où il existe des bois propres à en fabriquer des sabots et les désigner pour faire cesser la pénurie de cette chaussure qui depuis déjà longtemps est montée en une valeur intolérable ».

La loi du 29 septembre 1793, dite du « maximum général » [4] et listant 39 articles de première nécessité à contrôler, a considéré que le prix du sabot devait être limité.

Le garde des bois trouve un certain nombre de hêtres à Pennarun, Lezergué et près de Kerdévot, lesquels arbres étant à maturité pour être débités en sabots. Les prix estimés se mesurent en pieds d'arbres : à Pennarun entre 11 et 15 livres le pied suivant sa circonférence et sa hauteur, alors qu'à Lezergué-Kerdévot il est à 3 à 4 livres, ce qui fait quand même un prix bien supérieur à celui des coupes de bois taillis (30 livres le journal [5] ou demi-hectare).

Transcription

19 Pluviose de l'An2 (7 févr. 1794)

Ce jour dix neuvième pluviose l'an second de la République une et indivisible je soussigné Gabriel Gestin garde des bois abandonnés par les émigrés appartenant maintenant à la République dans le territoire de l'administration du district résident à Montagne-sur-Odet ci-devant Quimper nommé priseur par ladite administration pour procéder à l'examen et estimation des dits bois, me suis acheminé de ma dite demeure jusque dans la taille dite de Pennarun situé sur la commune d'Ergué-Gabéric et appartenant ci-devant à l'émigré Geslin, ayant ensuite parcouru, mesuré et examiné cette dite taille, j'ay trouvé qu'elle contient huit journaux [5] que j'ai estimé valoir sur le pied de trente livres le journal la somme de deux cent quarante livres, ci ... 240 #. Fait et arrêté le présent procès-verbal pour servir ce que de raison, les dits jour et an, signé Gestin. Enregistré à Quimper le vingt sept pluviose l'an deux de la République une et indivisible par Brindejonc pour vingt sols pour expédition conforme à la minute déposée au secrétariat du district de Quimper.

1er ventose de l'An2 (19 févr. 1794)

Le premier jour du mois de ventôse, l'an second de la République française une et indivisible, nous Allain Jacques Kernafflen, Louis Marie Bonnet et François Valentin, administrateurs du Directoire du District de Quimper, département du finistère, avons procédé en présence et sur les réquisitions de J.J. Le Breton agent national, à la vente au plus offrant et dernier enchérissement de la coupe des bois taillis compris en l'affiche arrêtée par le Directoire du 4 pluviôse de laquelle il a été donné lecture ainsi que des conditions de l'adjudication desquelles sa teneur suit.

Savoir.

Article 1er

L'adjudicataire aura un an pour la coupe et un an pour vuidange de manière que l'exploitation des bois soit terminée pour le vingt germinal de la seconde année républicaine.

Article 2

Il laissera le nombre de balivaux [3] par arpent conformément aux lois.

Article 3

Il ne pourra faire de charbon que dans les anciennes charbonneries.

Article 4

Il ne pourra écorcher les bois qu'au dessus de six pouces de terre.

19 Frimaire de l'An3 (9 déc. 1794) : Pennarun

Ce jour dix neuf frimaire l'an troisième de la République une et indivisible, nous soussignés Gabriel Gestin et Thomas Maingar commissaires nommés par délibération du Directoire du District de Quimper du 18 de ce mois, à l'effet de nous transporter sur les lieux où il existe des bois propres à en fabriquer des sabots et les désigner pour faire cesser la pénurie de cette chaussure qui depuis déjà longtemps est montée en une valeur intolérable, nous sommes transportés jusqu'au ci-devant manoir de Pennarun situé sur la commune d'Ergué-Gabéric où nous avons trouvé à Ty Stang ar feunteun le nombre de sept pieds d'arbres ou hêtres que nous avons jugés propres à en faire des sabots et estimés ensemble la somme de cent onze livres, ci ... 111 #.

A Douar ar groix trente sept pieds idem quatre cent vingt neuf livres ... 429 #.

Dans l'allée dudit manoir qui conduit au bourg le nombre de vingt trois pieds d'arbres idem estimés trois cent vingt quatre livres, ci ... 324 #.

Coté du couchant, vers le moulin le nombre de neuf pieds d'arbres idem et estimés la somme de cent trente quatre livres, ci ... 134 #.

Dans l'allée du grand champ qui mène au moulin et le long de la rivière, la quantité de cinquante deux pieds idem, la somme de cinq cents soixante dix huit livres, ci ... 578 #.

Fait et arrêté le présent pour valoir ce que de raison et avant de signer avons déclaré avoir employé deux jours chacun à la présente estimation. (signature Mingar et Gestin)

20 Frimaire de l'An3 (10 déc. 1794) : Lezergué et Kerdévot

Ce jour vingt frimaire l'an troisième de la République une et indivisible, nous soussignés Gabriel Gestin et Thomas Maingar commissaires nommés par délibération du Directoire du District de Quimper du 18 de ce mois, à l'effet de nous transporter sur les lieux où il existe des bois propres à en fabriquer des sabots et les désigner pour faire cesser la pénurie de cette chaussure qui depuis déjà longtemps est montée en une valeur intolérable, nous sommes transportés jusqu'au ci-devant manoir de Lezergué situé sur la commune d'Ergué-Gabéric où nous avons trouvé sur le grand chemin qui mène à Coray le nombre de soixante dix huit pieds de hêtres que nous avons estimés valoir ensemble la somme de trois cents quinze livres, ci ... 315 #.

Dans la grande allée qui mène vers Kerdévot la quantité de cent quatre vingt un pieds idem la somme de six cent quarante livres, ci ... 640 #.

Fait et arrêté le présent jour le lieu auquel nous avons été occupé deux jours chacun. Les dits jour et an et un entreligne ce mot dix ajouté, approuvé. (signature Gestin et Mingar)

Originaux

Lieu de conservation :

  • Archives Départementales du Finistère.
  • Cote 1 Q 1082.
 

Usage, droit d'image :

  • Licence ouverte de réutilisation des données publiques.
  • Décret n° 2017-638 du 27 avril 2017.

Annotations

  1. Boutoukoad, botoù-koad, pl. : littéralement « chaussures de bois » selon la définition française. Le mot boutoù a été traduit localement en « sabots » alors que le terme « chaussures ou souliers » s’imposait. L’hypothèse de la traduction maladroite paraît d’autant plus évidente qu’il ne viendrait à personne l’idée de traduire boutoù-ler par « sabots de cuir » (Hervé Lossec). [Terme BR] [Lexique BR]
  2. Convenant, s.m. : qualifie un bail dans lequel le preneur acquiert la propriété des bâtiments qu'il a construits et des plantations qu'il a faites. Synonyme de bail à domaine congéable. Convenancier (ère), adj. : qui est relatif au bail à convenant ou congéable. [Terme] [Lexique]
  3. 3,0 et 3,1 Baliveau, s.m. : jeune arbre réservé lors de la coupe d'un bois et destiné à devenir arbre de haute futaie. D'après l'époque de leur réserve ou balivage, les baliveaux sont dits : de l'âge, modernes ou anciens, selon qu'ils ont été réservés une première, une deuxième, une troisième fois, etc ... (Littré) [Terme] [Lexique]
  4. Les articles concernés par la loi de Maximum général sont : viande fraîche, viande salée, lard, beurre, huile douce, bétail, poisson salé, vin, eau-de-vie, vinaigre, cidre, bière, bois de chauffage, charbon, chandelle, huile à brûler, sel, soude, savon, potasse, sucre, miel, papier blanc, cuirs, fers, fonte, plomb, acier, cuivre, chanvre, lin, laines, étoffes de toile, matières premières nécessaires aux fabriques, sabots, souliers, colza, chou-rave et tabac.
  5. 5,0 et 5,1 Journal, s.m. : ancienne mesure de superficie de terre, en usage encore dans certains départements et représentant ce qu'un attelage peut labourer dans une journée. Le journal est la principale unité de mesure utilisée dans les inventaires pour calculer les surfaces des champs cultivés. Dans la région quimpéroise un journal vaut 48,624 ares, à savoir 80 cordes, soit environ un demi-hectare. Pour les jardins et les courtils on utilise le terme de « journée à homme bêcheur » correspondant à un 8e de journal ou 6 ares. Les surfaces des prés se mesurent en « journée à faucheur » ou « à faucher » équivalente à 2 journaux de laboureur, soit presque un hectare. [Terme] [Lexique]



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Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Création : Avril 2019    Màj : 31.10.2023