1956-1957 - Journal paroissial du recteur Pierre Pennarun

De GrandTerrier

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Les 8 pages de ce journal paroissial des premiers mois du ministère du recteur Pierre Pennarun en 1956-1957, faisant suite au journal plus détaillé de son prédécesseur Gustave Guéguen. Document conservé aux Archives diocésaines de Quimper (2P51/1).

Autres articles : « Pierre Pennarun, recteur (1956-1969) » ¤ « 1946-196x - La tarification des cérémonies religieuses de secondes classes » ¤ « 1957-1961 - La restauration du presbytère par Roger Le Flanchec » ¤ « Laouic Saliou (1909,1990), sculpteur autodidacte » ¤ 

Présentation

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Huit pages manuscrites et quatre petites coupures de presse pour les 13 premiers mois du recteur Pierre Pennarun, né à Briec en 1904 et nommé prêtre en 1934.

Ce qui est marquant dans ce journal, c'est le constat de l'évolution de la liturgie catholique : « L'office du soir a lieu en français. Tous ont un feuillet entre les mains. Les prières ne sont-elles pas faites pour que tous les comprennent et y participent ? ... Le jeudi, la messe est célébrée face au peuple au milieu de la nef. ».

L'adaptation de l'Église aux besoins du temps présent sera confirmée en 1962 par le concile Vatican II, mais déjà en 1957 le rite tridentin qui consiste à dire la messe en latin en restant dos aux fidèles est remis en question.

Le recteur se permet même de critiquer certains confrères : « Avant le salut, M. l'abbé Queinnec curé de Briec s'adresse aux pèlerins dans un style trop relevé ». Mais il adresse aussi des reproches à ses paroissiens : « Les habitants d'Ergué-Gabéric manquent d'esprit paroissial, de sens communautaire » ; « La messe est mal suivie. La plupart y semblent passifs. L'on se tient le plus loin possible de l'autel, le long des murs ou derrière les piliers. »

Il semble agacé du côté pingre des participants des cérémonies religieuses, avec une tentative de trait d'humour : « Pour permettre à ces indigents de donner aussi leur pièce de 5 francs aux quêtes extraordinaires, M. le Recteur a proposé de faire une collecte en leur faveur. Il aurait pu y donner suite, car la grenaille continue d'arriver.  »

Les autres évènements marquants sont :

  • Son arrivée le 3 juillet et son installation solennelle le 15 juillet : « 50 à 60 voitures lui font escorte jusqu'au bourg ».
  • Le grand pardon pluvieux de Kerdévot en septembre 1956.
  • L'arrivée de 100 chaises neuves en février 1957 et d'une grande armoire pour les bannières adossée à l'orgue de l'église paroissiale.
  • Deux nouvelles classes à l'école Ste-Marie de Lestonan en mars "offerte" par la famille Bolloré : « La bénédiction en a lieu dans l'intimité en présence de la famille bienfaitrice, de la maîtrise de l'usine et des seuls parents des élèves. ».
  • Le remplacement du catafalque « monument désuet, surmonté d'un baldaquin » par une jolie table en bois exotique d'iroko.
  • Les pardons de St-Guénolé et de St-André en juillet., et celui de St-Eloi et de St-Christophe à Kerdévot en juin : « La bénédiction des chevaux eut lieu aussitôt après, devant la chapelle, en présence des statues de Saint Eloi et de Saint Christophe. »

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Lors du pardon de St-Eloi de Kerdévot, la statue de St-Christophe commandée à Laouic Saliou, sculpteur sur bois gabéricois, a été exposée dans la chapelle de Kerdévot : « C'est une peinture polychrome au blanc de Meudon et aux terres naturelles. La tunique est rouge, le manteau est bleu foncé, la ceinture et la bourse du Saint. Le globe et le col de l'Enfant Jésus est doré à la feuille d'or. Saint Christophe a le pied droit sur la rive du fleuve et le le pied gauche est encore dans l'eau. »

C'est le recteur Gustave Guéguen qui avait commandité la réalisation de cette statue. Mais où est-elle aujourd'hui, est-elle partie en voyage ? Elle n'est plus à Kerdévot a priori, un appel est lancé pour la retrouver, avec l'aide requise du saint patron des voyageurs.


Transcriptions

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Le successeur de M. G. Guéguen est nommé le 22 juin. C'est Mr l'abbé Pierre Pennarun, précédemment recteur de Plouyé.

Accompagné de Mr Le Bihan, curé d'Huelgoat, il vient prendre possession de son nouveau poste le 22 juin.

Le 3 juillet à 8 h du soir à Guerneve, il est reçu officiellement par la population. 50 à 60 voitures lui font escorte jusqu'au bourg où l'attend une belle affluence d'écoliers et de grandes personnes. Comme il est de tradition, il se rend au monument des morts pour le dépôt d'une gerbe. Ensuite, le cortège prend le chemin de l'église où le nouveau recteur adresse un mot de remerciement à ses paroissiens. Un vin d'honneur lui permet de faire plus ample connaissance avec une centaine d'hommes réunis

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au presbytère.

L'installation solennelle a lieu le 15 juillet. Elle est présidée par Mr le Chanoine F. Le Séac'h, grand Pénitencier [1] et cousin de Mr le Recteur. En voici le récit d'après l'"Ouest-France" du lendemain.

Les jours qui suivent Mr le Recteur les passe à visiter la paroisse. Il est présenté dans les divers quartiers par les conseillers de l'église. Il bénit chaque foyer et ??te les mains des habitants. Partout l'accueil est chaleureux.

9 septembre. Pardon de N.D. de Kerdévot

Mgr Fauvel avait laissé espérer sa venue si son Em. Nonce Apostolique Mgr Marella, présent au Folgoat daignait l'accompagner. Ce fut le contraire qui arriva.

Les 1ères vêpres sont célébrées la veuille et suivies de quelques confessions.

Le lendemain, dimanche, les messes se succèdent d'heure en heure depuis 7h jusqu'à 10h30. Nombreux sont les pèlerins venus des paroisses environnantes. La plupart se confessent et communient. La grand'messe a lieu à 11h, célébrée par M. Queinnec, curé doyen

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de Briec, assisté de MM. les abbés Quilliou et Quéau, professeurs à St-Charles. Le sermon est donné par M. le Chanoine Courtet, cure archiprêtre de St-Corentin. Autour de M. l'abbé Pennarun, recteur, et des abbés Corre et Roignant vicaires, on remarque M. l'abbé Menut, recteur de Locmaria, M. l'abbé Clech, recteur d'Ergué-Armel, M. l'abbé Dilasser, recteur de Landudal ; M. l'abbé Huitric, professeur à Pont-Croix ; M. l'abbé Le Goff, vicaire à Elliant, etc ... Le chant est dirigé par M. l'abbé Prat, vicaire à Kerfeunteun.

Le matin, le temps est à peu près convenable, mais, dès le début de l'après-midi la pluie se met à tomber. Malgré cela, les pèlerins sont très nombreux aux vêpres présidées par M. le Chanoine Courtet.

Profitant d'une accalmie, le procession ose sortir, et réussit à parcourir les allées qui précèdent le sanctuaire. Le reste de la cérémonie se déroule autour du podium dressé contre le calvaire. Avant le salut, M. l'abbé Queinnec curé de Briec s'adresse aux pèlerins dans un style trop relevé, il leur demande de méditer la vie de la Vierge, de regarder sa simplicité qui est une leçon pour notre époque de confort à tout prix. Le prédicateur souligne les danger de ce désiquilibre moral qui a pour cause la place excessive donnée par notre époque aux appétits de bien-être et de jouissance.

Après la bénédiction, M. l'abbé Pennarun tire les conclusions de cette journée religieuse et remercie ceux qui ont contribué à son succès.

Toussaint et commémoration de tous les fidèles défunts. Les offices enregistrent une assistance record aussi bien le matin que le soir. À noter cependant que les confessions et les communions ne sont as bien nombreuses malgré le rappel de la nécessité d'être unis à Dieu pour

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devenir des saints et pour œuvrer efficacement en faveur des défunts. L'office du soir a lieu en français. Tous ont un feuillet entre les mains. Les prières ne sont-elles pas faites pour que tous les comprennent et y participent ? L’atmosphère de recueillement et les réflexions des gens prouvent que notre effort n'a pas été vain.

Il faut savoir s'adapter. D'ailleurs, c'est ce que nous essayons sans cesse. Tous nos offices sont dirigés : nous voudrions tant que nos paroissiens participent aux chants et aux prières. Pour encore, les résultats sont peu encourageants. Il faudra continuer à exhorter "opportune et importune".

Noël 1956. Plusieurs répétitions de chants, assez mal suivies, ont préparé la fête. La veillée, "L'attente du Sauveur", a été très goûtée. Nous avons compté dans les 200 communions entre toutes les messes. Beaucoup de fidèles ont quitté l'église dès la seconde messe. L'effet a été pénible pour ceux qui restaient. L'an prochain il y aura lieu de supprimer la 3ème messe et d'insister pour qu'en pareille fête, les paroissiens restent à une 2ème messe, ne fut-ce que pour faire leur action de grâces.

46 baptêmes, 18 mariages, 28 décès.

1er de l'an 1957

M. le Recteur présente ses vœux, fait les remarques de circonstance. Les habitants d'Ergué-Gabéric manquent d'esprit paroissial, de sens communautaire. Ainsi plus du tiers des baptêmes en 1956 a eu lieu à Quimper. Le dimanche, c'est la grande dispersion : chacun se rend où bon lui semble. L'on ne sent aucun effort pour assister aux offices dans sa paroisse. Plusieurs préfèrent être anonymes dans quelqu'église de Quimper. Aucun contôle possible de la pratique religieuse. La messe est mal suivie. La

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plupart y semblent passifs. L'on se tient le plus loin possible de l'autel, le long des murs ou derrière les piliers. Les chaises du haut et du milieu sont trop souvent vides. La participation aux prières et aux chants est imperceptible dès que les enfants sont absents. Les communions, malgré notre insistance et les facilités accordées pour le jeûne eucharistique, demeurent très peu nombreuses les dimanches ordinaires. À la quête, plusieurs persistent à mettre leur pièce de 1 f. ou de 2 f. Pour permettre à ces indigents de donner aussi leur pièce de 5 francs aux quêtes extraordinaires, M. le Recteur a proposé de faire une collecte en leur faveur. Il aurait pu y donner suite, car la grenaille continue d'arriver.

Mois de février. Arrivée de 100 chaises neuves fournies par la maison Rouat de Landeleau. Cet achat s'imposait. Il ne suffit même pas tant il y a des chaises hors d'usage. Dans les tribunes, installation d'une grande armoire pour les bannières contre le buffet d'orgues. Vers la même époque, une installation électrique provisoire est faite par M. Chabeau de Quimper.

Le dimanche, plusieurs grands services survenaient souvent en même temps. Il était matériellement impossible de les chanter dignement, sans compter que les fidèles étaient fatigués de rester à des prières si interminables. Après consultations et explications données en chaire, M. le Recteur décide que désormais un seul grand service tiendra lieu pour plusieurs quand ceux-ci surviendront le même dimanche. Tout le monde y trouve son compte et s'en va content.

Les enfants de l'École Ste Marie de Lestonan étaient

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vraiment trop à l'étroit. Deux nouvelles classes parfaitement aménagées leur sont offertes par la famille Bolloré. La bénédiction en a lieu dans l'intimité en présence de la famille bienfaitrice, de la maîtrise de l'usine et des seuls parents des élèves. M. le recteur dit les bienfaits de l'instruction et de l'éducation chrétiennes, remercie, félicite ... Pour la plupart des catholiques, la liberté de choisir l'enseignement n'est qu'un leurre. Ici, c'est une oasis où la liberté est égale pour "celui qui croit en Dieu et pour celui qui n'y croit pas". Cependant que cette grande facilité ne porte pas les parents chrétiens à se désintéresser de leurs enfants, à les gâter, à négliger de leur donner une éducation forte. Que maîtres et maîtresses se gardent de "l'embourgeoi-sement !".

Pâque approche. Nous sommes déjà au 2ème dimanche de la Passion. La procession part de la croix du cimetière. Les enfants portent de longs rameaux de lauriers. Les fidèles restent avec le petit balai traditionnel. Tous reçoivent des feuillets de chants. Et, pour une fois, le cortège qui s'ébranle derrière la Croix victorieuse du sauveur, a un air de triomphe.

Les offices des jeudi et vendredi saints ont lieu à Kerdévot. Une tradition plusieurs fois centenaire fait venir des pèlerins à la chapelle durant ces jours. Le jeudi, la messe est célébrée face au peuple au milieu de la nef. Pour plus de facilité, les fidèles communient debout. Une heure d'adoration devrait suivre la messe. Un bon nombre de paroissiens sont partis avant la fin : ils n'ont pas pu veiller une heure avec le Christ ! Le vendredi, l'assemblée est composée surtout de personnes âgées. Presque toutes ont communié.

La Veillée Pascale s'est déroulée à l'église du bourg,

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longue et souvent sans grand intérêt pour des personnes insuffisamment initiées. L'office a, malgré tout, réuni une belle assemblée. Nous sommes restés à la disposition des pénitents toute la soirée. Beaucoup cependant ne se sont pas approchés de la sainte table.

Mois de Marie. Les paroissiens de N.D. de Kerdévot n'ont pas le dévouement, ni la ferveur de leurs ancêtres. Le mois de Marie a peu de succès. Aucun homme n'y vient. Au bourg, les internes de l'école sont là sur commande. À part elles l'on remarque une demi-douzaine de vieilles personnes et, de rares fois, quelques jeunes filles de Poulduic, de la Croix-Rouge, etc ... Dans les chapelles, le résultat n'est guère beaucoup meilleur.

Le catafalque [2] d'Ergué-Gabéric, comme celui d'autres lieux, est un monument désuet, surmonté d'un baldaquin. Placé au milieu de l'église, il masque l'autel. Cet appareil lugubre jure avec la joie qui doit régner dans la maison de Dieu. Mais le voici décapité, réduit à une simple table. Au pied du défunt, sur un beau chandelier en bois d'iroquo [3], se dresse un unique cierge, le cierge de son baptême, de sa communion solennelle, cierge symbole du Christ, lumière du monde, venu parmi nous pour nous apporter la vérité et le salut, Christ aujourd'hui ressuscité, vivant, glorieux au Ciel. La croix placée à la tête du défunt nous dit que c'est par l'acceptation des peines de cette vie que nous le rejoindrons, que nous arriverons à la lumière.

5 Mai, pardon de St-Guénaël. Sermon par M. le Chanoine Lescop, supérieur de St-Yves. Messe chantée par M. le Chanoine Hervé, vicaire général. Bonne affluence, surtout aux vêpres grâce à l'apport d'Odet.

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27 Mai à 10h. Ouverture de la Retraite des enfants, prêchée par le Révérend Père Blauet; S. J.de Roz-Avel. Dans les 120 enfants l'ont suivie avec attention et recueillement. Le jeudi, jour de l'Ascension, communion solennelle et rénovation des vœux du baptême. La cérémonie est centrée sur cette idée, que c'est la participation à la messe paroissiale du dimanche (plus que des déclarations verbales, inopérantes, sinon mensongères) qui constitue le meilleur témoignage de fidélité du baptême. La formule qui avait fait ses preuves à Plouyé, a été aussi appréciée à Ergué. La fête a été magnifique. Puisent ses fruits demeurer !

16 Juin. Service anniversaire pour M. Guéguen, ancien recteur de la Paroisse. Son long dévouement est assez mal reconnue : assistance très restreinte, aucun homme.

30 Juin. Pardon de St Éloi et de St Christophe : ci-contre.


Originaux



Annotations

  1. Pénitencier, s.m. : prêtre catholique auquel sont accordés des pouvoirs spéciaux d'absolution de certains péchés graves, généralement réservés au Saint-Siège (Wikepedia). [Terme] [Lexique]
  2. Catafalque, s.m. : construction en estrade dressée au milieu d'un lieu de culte ou de la maison mortuaire, pour recevoir le cercueil pendant la cérémonie funèbre ou symboliser celui-ci pendant une cérémonie commémorative (TLFi). [Terme] [Lexique]
  3. Iroko, s.m. : arbre qui se rencontre dans certains pays de la zone subsaharienne de l'Afrique. L'iriko est utilisé pour fabriquer des meubles dits exotiques, grâce à la dureté de son bois, et à sa couleur blonde (Linternaute). [Terme] [Lexique]



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Thème de l'article : Mémoires de nos anciens gabéricois. Création : avril 2023    Màj : 10.06.2023