Fanch Ster, boulanger à Stang-Venn et goal des Paotred

De GrandTerrier

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Interview de Fanch Ster dans son café de Stang-Venn un dimanche matin, le 23 octobre 2011. Transcription et mise en forme par Jean Cognard.

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On ne fait plus de pain à Stang-Venn, mais l'épicerie et le bar sont toujours ouverts. Ce dimanche là, Fanch Ster est derrière son comptoir comme d'habitude, et les « clients » viennent en voisins goûter au rosé. Suivant un rituel bien établi, ils réclament un morceau de craie pour inscrire leur pronostic de résultat du prochain match des Paotred-Dispount [1] ...

Les autres lectures : « Souvenirs du Maroc de Fanch Ster Koz, boulanger à Stang-Venn, Ouest-Eclair 1937 » ¤ « Fanch Ster, 40 ans au service des Paotred, OF 1987 » ¤ « Jeanine et Fanch Ster, la mémoire de la Vallée Blanche, LT-B 2007 » ¤ « Les Paotred-Dispount depuis 1913 : archives, photos, témoignages » ¤ 

La boulangerie familiale

« Je suis né ici à Stang-Venn à la boulangerie en février 1930, j'aurais donc bientôt 82 ans. Mon père était boulanger aussi et il s'appelait François Le Ster comme moi. Il est allé à la guerre des tranchées où il a été gazé. Il est mort assez jeune en 1937, j'avais donc 7 ans.

Et j'avais 19 ans quand ma mère est décédée, je suis resté seul avec mes deux sœurs. Quand mon père est mort, ma mère et sa sœur ont continué la boulangerie un certain temps après, avec un ouvrier. Elles faisaient la route aussi pour livrer le pain.

Ensuite on a mis la boulangerie en location pendant 9 ans à Jean Philippe. C'est lui qui m'a appris le métier de boulanger, j'ai commencé avec lui. Et j'ai repris l'affaire en 1959, l'année de mon mariage. J'avais 29 ans, j'étais mur ! En semaine je restais à la boulangerie et le samedi soir c'était rare quand je sortais. Je cirais mes godasses de foot, je préparais mes lacets et mon maillot, c'est tout. Par contre le dimanche soir, après les matchs, parfois là c'était la fête.

En semaine, il fallait faire le pain, s'occuper de l'épicerie et faire la route pour livrer. Le pain on le mettait au four vers les 11 heures du soir. Je dormais un peu dans l'après-midi et en soirée. Mais dans la nuit on dormait pas au pétrin. On mettait les pains un par un dans le four qui fonctionnait au feu de bois. Et la cuisson durait 3 à 4 heures au moins. A 5H du matin des factionnaires de l'usine Bolloré s’arrêtaient boire un coup.

Pour livrer, on passait partout, sur la route de Coray, à Squividan, Lestonan, sur Briec à Coat-glaz et au Kreisker. Pour l'est de la commune d'Ergué, c'était Fanch Nédélec, le boulanger du Bourg qui livrait, tous les villages du côté de Kerdévot et Niverrot.

Du temps de mon père la livraison du pain se faisait même à cheval, en charaban. Après il a pris une voiture bien sûr, une « Chenard et Walcker ». Jean Philippe il avait une voiture commerciale. Quand je faisais les tournées avec Jeanine, on avait deux fourgons Peugeot. Moi j'allais sur Briec, je faisais la route de Coray. Jeanine allait plutôt du coté de Quélennec, Lestonan ...

On allait jusqu’à Griffones et Meil-Poull pour livrer le pain et l’épicerie Spar. À la fin on n'allait plus jusqu'au bout du chemin, on déposait les commandes au bord de la route chez Feunteun, dans une lessiveuse. Ils écrivaient leurs commandes sur un papier et on livrait au passage suivant. On allait aussi à Stang-Odet en passant par l'usine, il y avait cinq familles isolées là-bas. »

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Début de carrière de goal

« Aux Paotred [1] j'ai commencé à jouer à 16 ans en 1946. On commençait pas plus tôt parce qu'en plus des équipes A et B, il n'y avait pas d'équipes de jeunes. Dès 1946 j'ai joué goal, sauf une fois j'ai joué avant-centre. A la fin de la saison 1949, René Le Du le goal officiel de l'équipe A était blessé et ne pouvait pas jouer pour un des derniers matchs à Quimperlé. Pour le remplacer, il y avait soit Jean Lennon, soit moi.

On allait à Quimperlé en car et on discutait pendant le trajet de l'organisation du match. Au départ d'Ergué c'était moi qui devait jouer goal dans l'équipe A. Arrivé à Bannalec c'était Jean Lennon. Avant d'arriver à Quimperlé, en route, c'était de nouveau moi. Arrivé là-bas c'était Jean Lennon. Un gars qu'on appelait Georges Briquet [2] qui était au comité des supporters avait eu ces paroles, je me rappelle : « Fanch Ster il est plus petit que Jean Lennon », alors que j'étais aussi grand que lui.

J'ai donc joué en équipe B et on avait gagné 8 buts à 1. L'équipe A avait perdu 7 à 1. Énervé de n'avoir pas pu jouer en A, à la saison suivante je suis parti pour une année comme goal dans l'équipe du Bourg, à l'AEG [3] qu'on appelait Union Sportive à l'époque. Voici la preuve : ma licence pour l'année 1949-50.

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Je suis revenu aux Paotred l'année suivante en équipe A pour les faire monter en première division de district ! »

Les Paotred en première division (1951-52). Fanch Ster est debout, le 4e à partir de la gauche.

Supporter depuis 1959

« Jusqu'en 1959, l'année de mon mariage avec Jeanine en février, j'ai joué aux Paotred [1]. J'ai arrêté à la fin de la saison, j'étais toujours le goal de l'équipe A. À un des derniers matchs j'ai été blessé, j'étais par terre, un joueur concarnois m'avait sauté dessus. Heureusement que mon oncle était avec moi avec le fourgon, on a été voir Flavennou, le rebouteux d'Ergué-Armel. Il ma allongé sur la table, et hop d'un coup il m'a débloqué.

J'ai demandé alors qu'on trouve un autre goal. Et c'est Jean Martin, d'Ergué-Armel, qui m'a remplacé. Après j'ai fait partie du club de supporters. Et depuis je reste toujours chauvin.

En 2013 il y aura le centenaire des Paotred et on va fêter ça. En 1913 ça s'appelait les chevaliers de Notre-Dame, mais par la suite il n'y a pas eu plus de curés aux Paotred qu'à l'AEG [3]. Aux Paotred il y a eu pendant longtemps un instituteur de l'école laïque dans le comité. Quand on allait quelque-part on nous appelait les « bouffeurs d’hosties », mais il y avait des gens de gauche ici aux Paotred plus qu'au bourg. A l'AEG [3] ils ont eu un vicaire [4] qui était secrétaire.

Depuis quelques années, ici au café, on a mis au point un système de pronostics des résultats de l'équipe A des Paotred [1]. On met 2 euros chacun dans la cagnotte, et on inscrit à la craie son résultat. Celui qui est en tête à la fin de la saison a le droit à un tee-shirt ou un cadeau. Et l'argent récolté sert à organiser une sortie au restau avant le match de fin de saison. S'il reste des sous on fait aussi un barbecue entre nous dans la cabane au fond, on rigole bien. On a commencé à quelques-uns, aujourd'hui on est 18. On peut pas prendre plus parce que le car pour aller aux matchs fait 20 places seulement ».

L'affichage des pronostics et du classement des 3 équipes

Interviews à venir : Fanch Ster a encore des souvenirs à partager, d'autres explications sur le pain au feu de bois, des matchs mémorables à raconter, des anecdotes sur la course cycliste de la vallée blanche, sur les parties de boul-tenn en face du café ... et en 2013 il sera l'un des héros de la fête du centenaire des Paotred.

Annotations

  1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Les Paotred-Dispount, en breton « les gars sans peur », sont les joueurs d'une des deux équipes de foot d'Ergué-Gabéric. L'équipe A est actuellement en DSR (Division Supérieure Régionale) de la Ligue de Bretagne. Le 30 octobre 2011 ils ont joué contre Pontivy et ont failli se qualifier pour le 7e tour de la Coupe de France. Avant d'être un club de foot, les Paotred étaient une section de gymnastique créée en 1913, une clique de tambours et trompettes, et un club de tir à la carabine ... Le football sur le terrain de Keranna sera soutenu et financé en partie par René Bolloré, patron de l'usine à papiers d'Odet. À noter que Paotred ne prend pas de s, car en breton la terminaison « ed » indique un pluriel.
  2. Jean Guéguen, laborantin à la papeterie d'Odet, était surnommé Georges Briquet, du nom d'un journaliste sportif très connu, car il aimait bien commenter les matchs et connaissait bien les résultats de toutes les équipes.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 AEG : Amicale d'Ergué-Gabéric, club de foot baptisé ainsi en 1956. Quand les Paotred se sont installés sur leur terrain à Keranna-Lestonan, l'AEG était considérée comme l'équipe du bourg. Les clubs de l'AEG et des Paotred-Dispount formaient respectivement à Ergué-Gabéric les camps des « Rouges » et des « Blancs ».
  4. Marcel Herry, vicaire d'Ergué-Gabéric de 1967 à 1980, né en 1937 à Plouvorn, est décédé début août 2011 à l'âge de 74 ans.



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Thème de l'article : Mémoires de nos anciens gabéricois. Création : décembre 2011    Màj : 19.09.2023