Hervé Balès et le grand taxi populaire du casse du STO en 1944

De GrandTerrier

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Le véritable héros du casse du STO [1] du 14 janvier 1944 à Quimper, étaient-ce les résistants qui organisèrent ce coup d'éclat ou alors le taxi qui servit à transporter les 40.000 dossiers jusqu'au four à pain du bourg d'Ergué-Gabéric ?

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Une forme de réponse est sans doute dans la question ... Mais les vrais héros sont quand même ceux qui ont pris les risques que l'on sait ...

Autres lectures : « Le grand taxi populaire du casse du STO en 1944 » ¤ « Les premières voitures gabéricoises » ¤ « François Balès (1921-1944), résistant » ¤ « JACQ Angèle - Ils n'avaient que leurs mains » ¤ « Le coup du STO raconté par Jean Le Corre » ¤ « LE BRIS Jean et Grégoire Jany - Le fichier du STO » ¤ « 8 mai 1985 : François Balès, cérémonie du souvenir (OF) » ¤ « Les 6 minutes du 14 janvier 1944, OF-LQ 1985 » ¤ « 1896 - La baratte à tourner le beurre de la ferme de Poulduic » ¤ 

Histoire du taxi

Hervé Balès né en 1901, l'un des frères du boulanger du bourg d'Ergué-Gabéric, était chauffeur de taxi. Il commença par exercer son métier à Nantes avant de venir s'établir dans sa commune natale. Après un premier véhicule, il fit l'acquisition en 1937-38 d'une Citroën Rosalie [2] qui deviendra célèbre pour sa participation au casse du STO. Ce fait de résistance a été évoqué par les survivants [3] ou des témoins indirects, la compilation la plus importante étant celle effectuée par Jean Le Bris et Jany Grégoire : « Le fichier du STO » ¤ 

Tous les témoins ont déjà raconté le rôle du taxi qui transporta les 40.000 dossiers du STO de Quimper jusqu'au four à pain d'Ergué-Gabéric où ils furent brulés, privant les occupants de leurs fiches pour organiser des assignations forcées de travailleurs en Allemagne.

Suite au récit de Jean Le Corre, participant du célèbre casse, une incertitude demeurait sur la marque du véhicule. Le doute est désormais levé par le travail d'Hervé Yves Balès, second fils d'Hervé Balès, qui, qui a retrouvé dans les papiers familiaux les photos du véhicule. Ce n'est pas une Renault, c'est bien une Citroën, et il s'agit d'une Rosalie [2] avec ses chevrons placés sur la calandre avant.

La suite des aventures du taxi est racontée par Catherine Balès, née Le Dé et épouse d'Hervé, car ce dernier était absent au moment des faits : capturé pendant la guerre dans la poche de Dunkerque, il était prisonnier dans un stalag en Autriche.

« J'ai été interrogée à domicile par deux officiers de la Gestapo : "Votre voiture nous a fait des cochonneries à la préfecture !". J'ai démenti : "Oh non Monsieur, ce n'est pas possible !". Et on a visité le garage où la voiture était garée, près du magasin et de notre logement. Le garage n'était pas visible de l'appartement qui donnait sur l'église, la porte du garage n'était jamais fermée, et la pente du terrain permettait en plus de laisser rouler la voiture, passer devant le café Heydon (actuellement la "capitale"), puis démarrer "en prise" juste avant le cimetière de Pennarun et direction Quimper! Ainsi il était parfaitement possible de n'avoir rien entendu.

Mais la voiture a été confisquée tout de même. Je leur ai rendu "naïvement" une visite une semaine après pour récupérer "mon outil de travail" car je devais me rendre à Quimper pour la mairie assez régulièrement.

Citroën Rosalie d'Hervé Balès

Ayant un mari prisonnier, deux enfants en bas age, je n'avais pas le profil d'une "terroriste" et je n'ai pas été inquiétée par la suite.

Au départ précipité de l'occupant, les résistants (le FFI) s'est servi du véhicule, et un "olibrius" qui portait un sabre, ne connaissant pas grand chose à la conduite, a bouzillé la voiture en rentrant en marche arrière dans le mur du cimetière du bourg. Le châssis a été complètement faussé.

Je me suis rendu dans les mois suivants dans les locaux d'une administration militaire, installée à Lanniron, auprès de laquelle j'ai obtenu la réparation de "la voiture qui avait fait le casse du fichier du STO". J'ai du aller en expédition à Paris, quai de javel chez Citroën, avec les papiers nécessaires pour avoir un châssis neuf ».

À son retour de captivité en juin 45 Hervé Balès a repris sa voiture pour faire le taxi. Il était très sollicité pour les trajets du bourg d'Ergué à Quimper. Avec ses 7 places régulières et les 3 à 4 places supplémentaires des enfants c'était un véritable mini-bus. Les anciens du Bourg se rappellent de ces virées où, jeunes à l'époque, ils étaient entassés dans le taxi dans la joie et la bonne humeur. Ce service de courses et navettes a été assuré par Hervé Balès jusqu'en 1952, date à laquelle la Citroën Rosalie a été vendue à un poissonnier qui l'a utilisé pour ses livraisons.

Galerie-photo

Photo 1 :

Prise dans la descente près du bourg et du manoir de Pennarun. On y voit Catherine Balès, née Le Dé, avec dans ses bras son fils Paul né en sept 37. La photo est donc de fin 1938, ou tout début 39.

Photo 2 :

Datée de 1949 et prise devant l'église et le commerce de Chiquet-Balès face à l'église du bourg d'Ergué-Gabéric. La petite fille est Michèle Balès née en mai 48.

En partie supérieure de la photo, à la place de l'arbre, le bâtiment de la mairie n'est pas encore construit. À gauche, caché par le commerce Chiquet-Balès, il y avait la boulangerie Bihannic où l'on allait téléphoner.

Photo 3 :

Datée de 1952 et montrant Catherine Balès et son fils Paul sur le seuil du commerce ouvert tout récemment à « l'Eau-blanche », en Ergué-Armel, là ou se trouve aujourd'hui le grand rond-point circulaire près de la voie de chemin de fer.

Famille Chiquet-Balès :

Les Chiquet sont originaires du village de Poulduic près de la Salle-verte. Le couple de René Chiquet et de Marie-Jeanne Jaouen tenait la ferme de Poulduic. En 1896 ils étaient les premiers gabéricois à disposer d'une baratte moderne : « 1896 - Baratte à tourner de Poulduic » ¤  Catherine, fille de René et de Marie Jeanne Chiquet et première épouse de Louis Le Dé, créa un commerce au bourg d'Ergué-Gabéric, dont héritera la petite fille Catherine née en 1918 et mariée à Hervé Balès, chauffeur de taxi.

Annotations

  1. Le Service du travail obligatoire (STO) fut, durant l'occupation de la France par l'Allemagne nazie, la réquisition et le transfert contre leur gré vers l'Allemagne de centaines de milliers de travailleurs français, afin de participer à l'effort de guerre allemand que les revers militaires contraignaient à être sans cesse grandissant (usines, agriculture, chemins de fer, etc.). Les personnes réquisitionnées dans le cadre du STO étaient hébergées dans des camps de travailleurs situés sur le sol allemand. À la fin de l'année 1942 ils étaient seulement 240 000. Les autorités Allemandes et Françaises organisèrent alors un recensement général des travailleurs Français et tentèrent d'imposer à tous les inactifs de trouver un emploi. Dans chaque ville importante, un service administratif du STO, dépendant d'une Feldkommandantur, était chargé de gérer les dossiers et de la désignation des « déportés du travail ».
  2. 2,0 et 2,1 La Citroën Rosalie désigne un ensemble de modèles automobiles construits par Citroën de 1932 à 1938. Au départ Rosalie faisait référence à un modèle « de course » de 8 CV qui a établi une série de records sur l'anneau de Monthléry. Le modèle fut commercialisé sous différentes dénominations et puissances : 8 CV, 10 CV (des 4 cylindres), et 15 CV (une 6 cylindres) ; 7 et 11 Mi (à moteur culbuté) dérivés des 7 et 11 CV à traction avant. Modèles précédents de marque Citroën : C4 et C6 ; modèle suivant : Traction avant.
  3. Les participants au casse du STO de Quimper ont été arrêtés, emprisonnés à St-Charles, déportés dans les camps en Allemagne, et in-fine exécutés ou morts à bouts de forces. François Balès, le fils du boulanger, fut abattu le 29 Août 1944 pendant les combats de la presqu'île de Crozon. De tous ceux qui étaient partis de St-Charles le 4 juin 44, deux seulement sont revenus, Jeannot Le Bris et Jean Le Corre.



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Thème de l'article : Mémoires de nos anciens gabéricois. Création : Mai 2012    Màj : 10.08.2023