Jean-François de La Marche (1729-1806), dernier évêque de Léon

De GrandTerrier

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Article écrit par Gaelle Martin et publié en 2006 dans le bulletin municipal d'Ergué-Gabéric sous le titre « L'ANNEE DU BICENTENAIRE DE LA MORT DE MONSEIGNEUR DE LA MARCHE, DERNIER EVEQUE DE LEON »

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Autres lectures : « Espace « Évêque de Léon » » ¤ « Biographical memoirs of the Bishop of Leon, The Gentleman's Magazine 1807 » ¤ « Les de La Marche, nobles de Kerfort et de Lezergué, 17e-18e siècles » ¤ « LA MARCHE Jean-Français (de) - Lettre aux ecclésiastiques français réfugiés en Angleterre » ¤ « ROINCÉ Job (de) - Figures de Chouans » ¤ « CLOHARS-CARNOET G. (de) - Le chevalier de Tinténiac et la chouannerie » ¤ 

Jean-François De La Marche et Ergué-Gabéric

Notre commune vit naître le dernier évêque de Léon : « Jean-François de La Marche, fils légitime de Messire François-Louis de La Marche, chef de nom et d’armes, Seigneur de Lezergué, de Kerfort et autres lieux et de Dame Marie-Anne de Botmeur, né le quatrième de juillet 1729, a été solennellement baptisé le lendemain par le soussignant Recteur (…) ». Le baptême eut lieu à l’église Saint-Guinal où une plaque commémorative a été placée près des fonds baptismaux. Ce sont les cahiers du recteur Gustave Guéguen qui nous apprennent que cette plaque a été posée dans l’église le 20 janvier 1948.

La famille de La Marche étaient implantée au manoir de Kerfort depuis le courant du XVIIè s. C’est en 1736, que François-Louis de La Marche et Marie-Anne De Botmeur achètent le manoir de Lezergué à François de CHARMOY, dit chevalier du Talhouët. Jean-François de La Marche naquit donc soit au manoir de Kerfort soit au manoir de Lezergué. Il eut seize frères et sœurs. Un de ses frères hérita de Lezergué et lui donna la façade que l’on connaît aujourd’hui.

Un oncle de Jean-François de La Marche, l’abbé Louis de La Marche, licencié en Sorbonne était recteur de la paroisse d’Elliant de 1740 à 1754.

“Histoire de Quimper-Corentin”

Ses débuts dans l’armée

En tant que cadet de famille, Jean-François de La Marche devait choisir entre s’engager dans les ordres ou dans l’armée. En 1745, il entra dans l’armée, comme lieutenant de Dragons. Il fut blessé à la bataille sanglante de Plaisance qui opposait l’armée franco-espagnole à l’armée hongroise dans le conflit pour la succession d’Autriche.

Son régiment fut durement touché. Son catogan amortit un coup porté sur sa nuque qui aurait pu lui être fatal. Après avoir reçu le brevet de capitaine au régiment de Reine Infanterie, il donna sa démission et se tourna vers les ordres.

Sa carrière ecclésiastique

Le 17 octobre 1747, il entra au petit Séminaire de Saint-Sulpice, dans la Communauté des philosophes puis en 1751, au Grand séminaire de Saint-Sulpice, pépinière des évêques français.

Il fut ordonné prêtre à Conflans le 6 avril 1756 et nommé chanoine auprès de la cathédrale de Tréguier. Il devint vicaire général à 30 ans. En 1764, il est nommé à l’abbaye de Saint-Aubin. Le 27 juin 1772, il est nommé à l’évêché de St-Pol-de-Léon et devient Evêque-Comte de Léon.

Ce double statut à la fois ecclésiastique et féodal était partagé par de nombreux autres évêques français depuis l’Antiquité. Il implique que Mgr DE LA MARCHE avait une double fonction : religieuse, au service de l’Eglise et temporelle, au service du roi. Cela induit également une certaine confusion entre ces deux types de pouvoirs.

Portrait officiel de Mgr Jean-François de La Marche (toile exposée dans le salon de l’évêché à Quimper)

En tant que chef religieux, Jean-François de La Marche doit se charger de l’instruction, de l’assistance aux pauvres, de l’entretien du clergé…Il fait réaliser des œuvres telles que de nouveaux locaux pour l’Hôpital de Saint-Pol-de-Léon, fondations de bureaux de bienfaisance, cours d’accouchement, construction d’un collège et d’un petit séminaire à Saint-Pol de Léon, création de deux établissements d’instruction pour les filles à Lesneven (les Ursulines), et à Brest (les Dames de l’Union Chrétienne), enseignement gratuit pour les pauvres, instauration de bourses…

Mgr de La Marche, administrateur du diocèse de Léon

En tant que comte, c'est-à-dire officier civil de haut rang, Jean-François de La Marche faisait appliquer sur son territoire les directives de l’administration royale. C’est sur la volonté du roi Louis XVI, qu’il introduisit la culture de la pomme de terre dans son diocèse. Le climat de Saint-Pol de Léon permit le réel succès de cette culture. Cela valut à l’évêque de Léon le surnom d’Escop ar patatez, l'Évêque des pommes de terre.

Il s’acquitta de l’enquête confiée par Turgot à l'Église de France pour connaître l’étendue de la misère dans le pays en rendant une étude sur la mendicité dans son diocèse.

On lui doit aussi l’organisation des haras de Léon.

Sa participation aux États de Bretagne

Clergé, Noblesse et Tiers-État étaient représentés aux États de Bretagne depuis le temps des ducs. C’est en tant qu’abbé de Saint-Aubin, que Jean-François de la marche siégea pour la première fois aux États de Bretagne en 1766 avec voix délibérative. Aux États Généraux des Pays et Duchés de Bretagne de 1768, il rédigea le rapport de la Commission chargée de faire le recueil de tous les anciens règlements qui se trouvent sur le registre des États. En 1772, il présida en sa nouvelle qualité d'Évêque, la commission des Impositions. En 1774, il présida celle des Contraventions. En 1778, il présente à la Cour le cahier de remontrances des États de Bretagne.

Il semble qu’il ait pris position, lors des assemblées, pour la défense des libertés historiques bretonnes. Pourtant on lui connaît aussi une étroite amitié avec le Duc D’Aiguillon. Il lui serait redevable de sa nomination à l’abbaye de Saint-Aubin. Représentant et défenseur des intérêts du roi en Bretagne, on reproche au Duc D’Aiguillon de porter atteinte aux libertés bretonnes du fait de la création de nouveaux impôts affaiblissant la province.

Ultime Évêque de Léon

Lorsque survient la Révolution, Jean-François de La Marche refusa de se rendre aux États Généraux de 1789. Suite aux lois supprimant les vœux et ordres religieux, il accuse les « systèmes philosophiques » de travailler « à saper les fondements de la Religion » et écrit au pape qu’il est « intimement persuadé qu’aucun évêque ne peut se soumettre à la nouvelle constitution ecclésiastique décrétée par l’Assemblée sans trahir sa conscience » et se comporter comme un hérétique. Il refuse d’autoriser la célébration sur l’autel de la Patrie pour le premier anniversaire du 14 juillet en 1790 prévue à Brest et à Saint-Pol.

Son évêché est supprimé le 22 janvier 1790 pour former avec l’ancien évêché de Quimper le département du Finistère.

Le 12 juillet 1790 avait lieu le vote de la constitution civile du clergé, qui portait un coup fatal à l'évêché de Léon, car son article premier décrétait qu'il n'y aurait plus qu'un diocèse par département, le siège de celui du Finistère étant fixé à Quimper. Au regard de la loi, Jean François de La Marche, évêque de Léon, n'avait plus d'évêché. Il ne l'accepta jamais, et s'opposa de toutes ses forces à l'application de la constitution civile du clergé. Lorsque le district de Morlaix lui adressa une lettre "à M. l'ancien évêque de Léon", il la renvoya, accompagnée de ces mots : "Je ne suis point ancien, mais actuel évêque de Léon ; ce paquet n'est donc point à mon adresse, et je ne le reçois point. " Le 15 septembre suivant, le pape Pie VI interdit aux fidèles de s'adresser aux prêtres insermentés, et de faire constater leur état par les officiers de justice.

Le Lien N°48 1993-"Pouldergat et la Révolution de 1789"

En exil

Jean-François de La Marche s’enfuit en Angleterre où il avait pris la précaution de faire transférer ses fonds. A Londres, il rencontre une bienfaitrice, Dorothée Silburne qui lui offre sa maison du n° 10 de Little Queen Street. Il organise l’accueil des exilés. Il garde un contact épistolaire important avec la Bretagne dans lequel il exprime son rejet pour la nouvelle société qui voit le jour, sa désapprobation du sacre de Bonaparte. Il refuse de rentrer en France à la signature du Concordat comme l’ont fait alors la plupart des prêtres et évêques réfugiés.

Chateaubriand eut l’occasion de le rencontrer en Angleterre. Il écrit à son propos, dans Les Mémoires d’Outre-tombe : « Les personnages distingués de notre Église militante étaient alors en Angleterre : (…), l’évêque de Saint-Pol de Léon, prélat sévère et borné qui contribuait à rendre le comte d’Artois [1] de plus en plus étranger à son siècle ».

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Il meurt le 25 novembre 1806. Il reposa au cimetière Saint-Pancrace à Londres jusqu’au jour où un projet de voie ferrée menaça le cimetière de destruction. Le transfert de son cercueil fut demandé par l'Évêché de Quimper et sa famille. Depuis le 18 septembre 1866, sa dépouille se trouve dans la cathédrale de Saint-Pol de Léon. Un monument, œuvre du sculpteur Cugnot y est érigé à sa mémoire.

Annotations

  1. Charles X dit le Bien-Aimé (1757–1836), surtout connu sous le titre de comte d'Artois (1757-1824), fut roi de France et de Navarre de 1824 à 1830. Succédant à ses deux frères, Louis XVI et Louis XVIII, il est celui dont l'avènement à 66 ans et le décès à 79 ans ont eu lieu aux âges les plus avancés. Il était très attaché aux conceptions et aux valeurs de l'Ancien Régime qu'il tenta de faire revivre, après le passage révolutionnaire, tout en acceptant en majorité les valeurs de son temps.


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Thème de l'article : Histoire d'une personnalité gabéricoise Création : 2006, bulletin municipal n° 20    Màj : 3.08.2023