Les années difficiles 1940-1945, témoignage de Jean Guéguen
Jean Guéguen né en 1926 et décédé en 2018 dans sa 92e année a toujours eu à cœur de transmettre aux générations suivantes la mémoire de son quartier et de sa famille, les évènements du passé et les richesses du patrimoine local.
En 2022, en feuilletant l'un des livres de sa bibliothèque, « Le Finistère dans la guerre » de Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, nous trouvons ces 11 feuillets manuscrits rédigés dans les années 1990, « quelques soixante années plus tard », dans lesquels il rassemble les évènements significatifs de la période 1940-1945.
Autres articles : « Journal paroissial du recteur Gustave Guéguen, extraits 1941-47 » ¤ « Jean Guéguen, laborantin à la papeterie d'Odet » ¤ « Souvenirs de 'chez Bolloré' depuis les 12 ans de Jean Guéguen en 1938 » ¤ « GUÉGUEN Jean - Odet, de 1900 à nos jours » ¤ « 1940-1945 - Les dossiers des Archives Arolsen pour les victimes gabéricoises du nazisme » ¤ « 1943-1946 - Pénurie et distribution des feuilles de tickets de rationnement » ¤ « 1943 - Amende communale pour insuffisance de livraison de beurre » ¤ « 1941 - Une fête au profit des prisonniers de guerre sous le contrôle de la Feldkommandantur » ¤ « THOMAS Georges-Michel & LE GRAND Alain - Le Finistère dans la guerre 1939-1945 » ¤ « QUÉMÉNER Jean-Pierre - Tragique méprise à Telgruc-sur-Mer en 1944 » ¤ « Souvenirs d'enfance de fin de guerre 1939-45, par Michel Le Goff » ¤
Présentation
Dans ces pages, Jean Guéguen mélange ses souvenirs d'enfant habitant le quartier de Lestonan (son père y était boulanger), sa connaissance de la chronologie des évènements en région quimpéroise et les faits inédits rapportés dans le journal manuscrit du recteur Gustave Guéguen (cf. en article séparé).
Dans les deux feuillets supplémentaires où il détaille l'histoire de l'arrivée de l'armée allemande dans les écoles privées de Lestonan, il signe ainsi son texte : « Jean Guéguen témoin oculaire de l'époque et propos recueillis par le même auprès du Frère directeur François Nédélec ».
De ces souvenirs il en ressort un certain nombre d'anecdotes inédites, dont celles-ci :
- les premières années : « les contacts étaient surtout d'ordre administratif avec la mairie, surtout en ce qui concernait les réquisitions de fourrages », et en 1941 un accident marquant, « un camion allemand est venu prendre du foin chez Pierre Quéré ... À la sortie de Lestonan, au virage de Lestonan-Vihan, le soldat qui était sur le chargement est éjecté et projeté sur la route. Il sera soigné par Malou Lazou, fille du directeur de l'école publique de Lestonan (tué au front en 1940). »
- la réquisition de l'école des sœurs du Bourg en 1943 : « Trois officiers allemands se présentent à l'école des sœurs du bourg, ce jeudi 15 juillet. L'école doit être totalement libéré" pour le samedi 17 juillet à midi. Avec le concours de la population du bourg l'école est déménagée et le tout est transportée dans la cour du presbytère. Un vrai capharnaüm dira le recteur. »
- l'arrivée d'un autre détachement à Lestonan : « il est demandé aux Frères de quitter l'école et de laisser leurs appartements tels quels. Le Frère directeur François Nédélec refuse et après une dispute tendue et épique avec l'officier commandant le détachement réussit à garder sa chambre. Interdiction formelle est faite d'évacuer quoi que ce soit de l'école. C'était sans compter sur la roublardise de René Sizorn, garde chasse chez Bolloré, celui-ci s'enferme dans la salle à manger avec le soldat allemand et le "dope" au lambic (alcool fort local) pendant qu'on déménageait le mobilier. »
- le cambriolage des dossiers STO [1] en 1944 (cf. autres articles sur le site GrandTerrier) : « Ceux d'Ergué Fanch Balès, Jean Le Corre, Pierre Moigne et Hervé Bénéat dérobent les dossiers des réfractaires, les entassent dans des sacs, puis dans la voiture qu'a emprunté François Balès à sa tante et reviennent à Ergué où les dossiers sont brûlés dans le four de la boulangerie familiale. ».
- l'arrivée des résistants au bourg : « Vendredi 4 août. Dans la soirée, le bourg est en effervescence par l'arrivée de la résistance. Des voitures et des camions descendent des jeunes gens armés de fusils et de mitraillettes. Ces jeunes sont enthousiastes et veulent "bouffer du boche". Le bourg est pavoisé de drapeaux français et alliés. »
- des exécutions choquantes : « C'est la stupeur à Ergué. François Balès a été tué sur les pentes du Menez-Hom. » ; « Auparavant en fin de matinée, un gabéricois, Jean-Louis Le Meur de Kervernic, se rendait à Ergué-Armel. Il fut pris en otage par une colonne de Russes Vlassov [2] » ; « une centaine de victimes, dont Yvon Benoit de Ti-Nevez-Kernaou qui, quelques jours auparavant, portait le drapeau lors des obsèques de son camarade François Balès. »
Transcriptions
Ergué-Gabéric. 1940-1945. Les années difficiles. Quelques dates.
La commune d'Ergué-Gabéric n'a connu l'occupation physique de l'armée d'occupation allemande que très peu de temps. Cela est sans doute dû à la proximité de Quimper et au manque de structure d'accueil pour les troupes. Les contacts étaient surtout d'ordre administratif avec la mairie, surtout en ce qui concernait les réquisitions de fourrages, puis en 1944 la réquisition des hommes pour les travaux de défense (trous individuels, fossés anti-chars, etc.).
J'ai pensé qu'il serait bon de porter un témoignage de cette époque quelques soixante années plus tard, témoignages personnels et autres, surtout grâce au carnet de notes de l'abbé Gustave Guéguen, recteur de la paroisse à cette époque.
- Le 20 juin. Les allemands arrivent à Quimper.
- Le 25. Ordre est donné à tous les mobilisés de l'armée Française de se rendre à la caserne de la Tour d'Auvergne à Quimper. Peu de temps après, ils prendont la chemin des Stalags.
- Juillet. Un avis des autorités allemandes fait obligation de déposer toutes les armes à feu (fusils de chasse et autres) dans les mairies, sous peine de sanctions graves (peine de mort).
- 1er janvier. À l'invitation de Radio-Londres, les gens sont invités à rester chez eux entre 14h et 16h pour marquer leur adhésion au général De Gaulle.
- Juillet. Les réquisitions de fourrages sont fréquentes. À Lestonan un camion allemand est venu prendre du foin chez Pierre Quéré. Le chargement effectué, le soldat accompagnateur du chauffeur grimpe sur le chargement et se tient à la corde tenant le chargement. À la sortie de Lestonan, au virage de Lestonan-Vihan, plus accentué qu'aujourd'hui, le soldat qui était sur le chargement est éjecté et projeté sur la route. Il sera soigné par Malou Lazou, fille du directeur de l'école publique de Lestonan (tué au front en 1940). Elle suivait des études de doctorat et parlait l'allemand. À l'arrivée des autorités allemandes, le blessé aura succombé.
- Septembre. Le gouvernement de Vichy vote une loi pour recenser les jeunes gens nés en 1920-21-22 et institue le service de travail obligatoire (S.T.O. [1]) en Allemagne pour ces jeunes. Pour les petites communes, obligation est faite aux maires de fournir une liste nominative de ces jeunes.
- La loi sur le STO [1] rentre en application le 16 février. Tous ces jeunes des classes concernées doivent se présenter à Quimper. À Ergué la quasi totalité de ces jeunes se soustrairont à ces formalités et cherchent refuge dans la campagne et trouveront des fermes pour les accueillir.
- 15 16 juillet. Trois officiers allemands se présentent à l'école des sœurs du bourg, ce jeudi 15 juillet. L'école doit être totalement libéré" pour le samedi 17 juillet à midi.
Il est fait appel aussitôt aux fermes avoisinantes : Pennarun, St-Joachim, Congalic, Lezergué, etc., et avec le concours de la population du bourg l'école est déménagée et le tout est transportée dans la cour du presbytère. Un vrai capharnaüm dira le recteur. Le samedi 18, les soldats allemands arrivent et s'installent dans l'école.
À Lestonan c'est le même scénario aux mêmes jours. Les autorités allemandes exigent que soient libérés les locaux des écoles des Sœurs et des Frères, ainsi que la salle de danse chez Quéré. Les religieuses sont autorisées à garder leurs appartements. À l'école des Frères après une dispute épique avec l'officier commandant le cantonnement, le frère directeur François Nédélec réussit à garder sa chambre et put faire évacuer le mobilier, malgré la présence d'un soldat allemand qui, dopé au "lambic" n'y vit que du feu.
À leur arrivée, les allemands firent une brèche dans le mur d'enceinte de la cour de l'école des Frères pour pouvoir y faire pénétrer leurs véhicules, d'où l'origine du portail actuel.
Environ 200 soldats occupèrent les lieux, leur journée était bien rythmée, le matin exercices dans les cours, puis ils occupaient le lavoir (aujourd'hui disparu) derrière la boucherie, au grand dam des lavandières. Les chevaux allaient s'abreuver au gué du Bigpoudic qui traversait la route de Kerho, un pont fait de grandes dalles de pierres permettait de passer à pied sec. L'après-midi l'ensemble des soldats allait sur les bords du canal prendre leur bain. Ces soldats étaient là au repos après leur campagne de Russie dont ils gardaient un exécrable souvenir. "Stalingrad, nicht gut" répétaient-ils souvent. Hélas ! leur temps de repos fut de courte durée, à la fin de juillet, ils quittèrent précipitamment leur cantonnement pour rejoindre l'Italie où Mussolini venait d'être déposé.
Voilà ce que fut cette brève occupation d'Ergué par l'armée allemande.
11 novembre 1943. La population du bourg est intriguée par l'apparition de deux ballons de barrage anti-aérien, ayant rompu leurs amarres et qui semblaient venir de la direction de Brest. L'un d'eux tombe dans le cimetière entre le monument au mort et le caveau Bolloré, l'autre auquel il demeure fixé par un long filin flotte toujours. Le ballon tombé à terre est vite "dépecé", chacun voulant obtenir un morceau comme souvenir. Le lendemain l'autre ballon était amené à terre et bientôt subissait le même sort.
- 14 janvier. Cambriolage du service départemental de STO [1] à Quimper par un groupe de résistants d'Ergué-Gabéric et de Kerfeunteun. Ceux d'Ergué Fanch Balès, Jean Le Corre, Pierre Moigne et Hervé Bénéat dérobent les dossiers des réfractaires, les entassent dans des sacs, puis dans la voiture qu'a emprunté François Balès à sa tante et reviennent à Ergué où les dossiers sont brûlés dans le four de la boulangerie familiale. Cet autodafé brûle toute la nuit, les dossiers entassés brûlent mal et il faut sans cesse les éparpiller à l'aide de la pelle de four, du racloir et de l'écouvillon. Le four est surchauffé et la première fournée du matin sera brûlée.
À Quimper, on se fait des "gorges chaudes" de ce cambriolage, effectué à quelques pas de la Kommandatur. La police allemande réagit très vite et François Balès est dans le collimateur, il réussit à s'échapper ainsi que Pierre Le Moigne. Jean Le Corre et Hervé Bénéat sont arrêtés et seront déportés en Allemagne, ce dernier décédera à Menegamme le 25 avril 1945. De ceux qui ont participé à ce cambriolage, 50 années après il ne reste plus que deux : Jean Le Bris et Jean Le Corre.
- En ce printemps 1944, la police allemande aidée par les miliciens de Vichy, fait la traque des résistants, "des terroristes" comme ils disent. Leur terrain de prédilection les bals de noce et les lieux où se rassemblent les jeunes. Les jeunes ont soif de s'amuser, aussi très souvent les fins de dimanche après-midi, les jeunes se retrouvent pour un bal champêtre animé par Julot Desjardin, un nordiste réfugié, et par Lili Huguen ayant des parents à Lestonan, et tout cela malgré les risques encourus. L’atmosphère devient tendre, oppressante.
- Le 18 mai, à un retour de noces de Landudal, plusieurs gabéricois sont arrêtés, emprisonnés à quimper avant d'être déportés en Allemagne.
- Du 28 mai au 6 juin se tient une retraite-adoration à l'église paroissiale. Le lundi 6 juin à la sortie de la messe des hommes, on apprend qu'un débarquement a eu lieu du côté de Caen. Dans la soirée tout le monde se pressait autour de Radio-Londres.
Après ce débarquement, la traque des résistants se fait de plus en plus forte comme en témoignent les tragédies de Guellen à Landrévarzec, Penhoat à Kerfeunteun et Kergrenn en Ergué-Armel [3]. À Ergué les fermes de Squividan (René Danion) et de Kerfrès reçoivent la visite de miliciens qui les menacent de représailles.
- Le 25 juillet, un jeune réfugié de Lorient se blesse mortellement en manipulant une grenade près du café André au Rouillen.
- À la fin de ce mois de juillet le P.C. des F.F.I. [4] s'installe dans la propriété Le Mercier au Rouillen.
- Août 1944. Jeudi 3 août un train Todt [5] est immobilisé à l'Eau-Blanche, dans les wagons des denrées alimentaires et du petit bois pour gazogène. En peu de temps, ce fut une razzia, plus rien ne restait dans wagons.
- Vendredi 4 août. Dans la soirée, le bourg est en effervescence par l'arrivée de la résistance. Des voitures et des camions descendent des jeunes gens armés de fusils et de mitraillettes. Ces jeunes sont enthousiastes. et veulent "bouffer du boche". Le bourg est pavoisé de drapeaux français et alliés. Dans la soirée, cris de joie, le chef de groupe - Le Viol - emprisonné depuis 10 jours, est libéré et vient prendre la direction de sa section.
À la tombée de la nuit, venant de Quimper, deux sections bien disciplinées font route vers Langolen pour y être armées, un parachutage est prévu. Malgré l'ordre de ne rien tenter sur Quimper, quelques-uns vont malgré tout aider des camarades en difficulté. Leur voiture est criblée de balles, mais eux n'ont rien.
- Samedi 5 août. La fusillade est nourrie dans la vallée du Jet. Le bruit court que la cathédrale est en feu, mais en réalité c'est la préfecture.
À midi, alerte, on dit que les allemands encerclent le bourg, on entend des rafales de fusil mitrailleur, en fait c'est un exercice de tir, mais cela a glacé le bourg d'effroi. Par prudence les drapeaux ont disparu.
- Dimanche 6 août. Dans l'après-midi vers 16 heures, arrivent les sections des F.F.I. [4] venant de Langolen. Elles prennent position au bourg, et installent des fusils mitrailleurs au bord des trous creusés par les allemands pour leur défense. Le soir vers 20h, arrivent des prisonniers allemands et 2 femmes qui leur ont été trop complaisantes et ceci sous les huées et invectives des gens. Le soir c'est la fête,on circule très tard et on commente les évènements.
- Lundi 7 août. Une fusillade nourrie éclate du côté de l'Eau Blanche. Des allemands, 4à 500 essaient de sortir de Quimper pour rejoindre Lorient, il y eut 12 tués allemands et quelques blessés dans les rangs des FFI [4].
Dans la soirée vers 19h, 60 prisonniers Todt [5] arrivent. Des avions volent très bas et sillonnent le ciel. À 21 h on entend des bruits de bombes.
- Mardi 8 août. Un scout a hissé le drapeau tricolore au sommet du clocher de l'église. En début d'après-midi on entend le bruit d'armes automatiques. On saura dans la soirée que c'est l'accrochage de Tréqueffélec, les allemands essayant de fuir vers Brest. Le groupe FFI [4] de Briec a eu 5 tués. Quimper est libéré.
Auparavant en fin de matinée, un gabéricois, Jean-Louis Le Meur de Kervernic, se rendait à Ergué-Armel. Il fut pris en otage par une colonne de Russes Vlassov [2] venant de Concarneau et voulant gagner Quimper. Ils l'obligèrent à marcher devant leur colonne. Parvenus à Kergoat-ar-lez, les soldats abattent Jean-Louis, déchirent sa carte d'identité et dispersent les morceaux.
- Mercredi 9 août. Prise d'arme à Quimper, près du monument aux morts. Les nouvelles autorités sont désignées. Tout le monde veut voir la photo du général De Gaulle qu'on ne connaît pas.
- Samedi 12 août. Dans la nuit, le bourg est réveillé par le bruit d'une canonnade intense qui semble provenir du côté de Penmarc'h et cela pendant une heure.
- Mercredi 30 août. C'est la stupeur à Ergué. François Balès a été tué sur les pentes du Menez-Hom. Figure emblématique de la résistance locale, il était devenu un héros depuis l'audacieux cambriolage du S.T.O. [1] à Quimper avec ses copains du bourg. Dès les premiers jours il a personnifié la Résistance pure et dure.
- Jeudi 31 août. Les funérailles de François Balès ont été célébrées devant une foule considérable. La cérémonie était poignante, le cercueil était encadré de F.F.I. [4] en armes. Ils faisaient également une haie d'honneur entre l'église et le cimetière. Avant l'inhumation des salves d'honneur ont été tirées.
- Dimanche 3 septembre. Dans le ciel bleu de ce dimanche matin, un vrombissement continu fait se lever les têtes. Des bombardiers lourds américains par formations de 13 appareils, se dirigeant vers Brest, se succèdent à intervalles réguliers, pendant près d'une heure, près de 400 bombardiers vont ainsi se succéder dans le ciel, laissant échapper de petits paquets de rubans argentés.
Le lendemain on apprendra la tragique et terrible méprise de ces avions qui ont bombardé et détruit Telgruc, alors que la résistance et les américains s'y trouvaient, faisant une centaine de victimes, dont une cinquantaine de soldats américains et une dizaine de FFI [4], dont Yvon Benoit de Ti-Nevez-Kernaou qui, quelques jour auparavant, portait le drapeau lors des obsèques de son camarade François Balès.
- Mercredi 6 septembre. Les obsèques d'Yvon Benoit ont été célébrées avec le même cérémonial que pour François Balès.
- Dimanche 5 novembre. Une messe pour les morts des 2 guerres a été célébrée par l'abbé Corre lieutenant FFI [4]. L'homélie fut dit par l'abbé Pavec également aumônier FFI [4]. Pendant la messe 10 soldats en armes faisaient une garde d'honneur autour du catafalque.
- Avril. La mort d'Hitler est annoncée.
- 8 mai. De nombreux gabéricois se rendent à Quimper devant la Préfecture écouter l'allocution du général De Gaulle annonçant la capitulation de l'Allemagne nazie.
Le soir les jeunes continuaient leurs réjouissances en participant au bal de noces à Lenhesq, de René Poupon du bourg et de Marie Duvail de Guilly Vras qui se mariaient ce jour-là.
Occupation des écoles libres de Lestonan et de la salle de danse de chez Quéré par l'armée allemande.
Ce jeudi 15 juillet, des officiers allemands se rendent à l'école Ste Marie et St Joseph et présentent un ordre de réquisition. Les écoles doivent être impérativementlibérées de tout matériel scolaire pour le samedi 17 juillet à midi. Une même démarche est faite au café Quéré pour la salle de danse attenante au café (aujourd'hui disparue, un escalier extérieur permettait d'y accéder).
À l'école Ste Marie les religieuses sont autorisées à garder leurs appartements, par contre à l'école St Jposeph, il est demandé aux Frères de quitter l'école et de laisser leurs appartements tels quels. Le Frère directeur François Nédélec refuse et après une dispute tendue et épique avec l'officier commandant le détachement réussit à garder sa chambre. Interdiction formelle est faite d'évacuer quoi que ce soit de l'école. À cet effet, un soldat allemand est laissé sur place en surveillance.
C'était sans compter sur la roublardise de René Sizorn, garde chasse chez Bolloré, celui-ci s'enferme dans la salle à manger avec le soldat allemand et le "dope" au lambic pendant qu'on déménageait le mobilier. Le soldat allemand n'y voit "que du feu", puis au bout d'un moment s'étant rendu compte qu'il avait été floué, pointa son doigt vers René Sizorn et lui lança "Vous Monsieur gros filou". L'officier allemand reprocha également au Frère directeur son manque de loyauté.
Les allemands arrivèrent dans l'après-midi du samedi et firent aussitôt dans le mur d'enceinte de la cour de récréation de l'école St Joseph, dont on voit encore la trace aujourd'hui. Ceci pour y faire pénétrer leurs voitures, attelages hippomobiles et leurs chevaux.
Environ 200 hommes occupèrent les lieux. Leurs journées étaient bien rythmées, le matin exercices dans les cours, puis ils occupaient le lavoir de chez Rospape (aujourd'hui disparu) au grand dam des lavandières. Les chevaux étaient envoyés s'abreuver au gué du Bigoudic qui à l'époque coulait au travers de la route de Kerho et l'après-midi c'était soit des manœuvres dans les environs de Keranna, Stang Venn, Saint Guénolé, ou alors l'ensemble des soldats se rendait au bord du canal pour se baigner. Les chevaux et véhicules étaient à l'abri sous les préaux et sur chacun de ceux-ci était installée une mitrailleuse anti-aérienne.
Ces soldats étaient là au repos après une dure campagne de Russie dont ils gardaient un souvenir exécrable, "Stalingrad nicht gut" répétaient-ils souvent. Hélas ! leur temps de repos fut de courte durée ; à la fin juillet ils quittèrent précipitamment leur cantonnement pour rejoindre l'Italie où Mussolini venait d'être déposé et arrêté.
Voici ce que fut cette brève occupation de Lestonan par l'armée allemande.
Sources : Jean Guéguen témoin oculaire de l'époque et propos recueillis par le même auprès du Frère directeur François Nédélec.
Source manuscrite
- 1940-45, 11 feuillets
f. 1
f. 2
f. 3
f. 4
f. 5
f. 6
f. 7
f. 8
f. 9
f. 10
f. 11
- Juillet 1943 à Lestonan, 2 feuillets
f. 1
f. 2
Annotations
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 Le Service du travail obligatoire (STO) fut, durant l'occupation de la France par l'Allemagne nazie, la réquisition et le transfert contre leur gré vers l'Allemagne de centaines de milliers de travailleurs français, afin de participer à l'effort de guerre allemand que les revers militaires contraignaient à être sans cesse grandissant (usines, agriculture, chemins de fer, etc.). Les personnes réquisitionnées dans le cadre du STO étaient hébergées dans des camps de travailleurs situés sur le sol allemand. À la fin de l'année 1942 ils étaient seulement 240 000. Les autorités Allemandes et Françaises organisèrent alors un recensement général des travailleurs Français et tentèrent d'imposer à tous les inactifs de trouver un emploi. Dans chaque ville importante, un service administratif du STO, dépendant d'une Feldkommandantur, était chargé de gérer les dossiers et de la désignation des « déportés du travail ».
- ↑ 2,0 et 2,1 L’Armée de libération russe, également connue sous le nom d'armée Vlassov, était une formation militaire de volontaires russes armés par la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale. Cette armée fut organisée par l’ancien général de l’Armée rouge Andreï Vlassov, qui tentait ainsi d’unifier tous les Russes contre le régime bolchevique de l’Union soviétique.
- ↑ Seize résistants quimpérois ont été exécutés le 27 juin 1944 à Penhoat (Kerfeunteun), Kergrenn (Ergué-Armel) ainsi qu'au Guellen (Briec).
- ↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 4,6 et 4,7 FFI, à savoir les Forces françaises de l'Intérieur, est le Nom donné, en 1944, par le Comité français de libération nationale, à l'ensemble des formations militaires des mouvements de résistance.
- ↑ 5,0 et 5,1 L’Organisation Todt était en charges des opérations de de génie civil et militaire du Troisième Reich pendant la seconde guerre mondiale. Elle portait le nom de celui qui a été son fondateur et son dirigeant jusqu'en 1942, Fritz Todt, un ingénieur et une figure importante du nazisme.
