Modèle:Petition1792-02-05

De GrandTerrier

au contraire lui fait perdre plus de cent millions ; c'est la Loi des 23 & 27 Août 1792, qui abolit la Tenure convenancière ou à Domaine congéable dans les Départemens du Morbihan, du Finistère & des Côtes du Nord, Loi qui est une contravention formelle aux articles 4, 16 & 19 de la déclaration des droits de l'homme & du citoyen.

Les grands intérêts qui ont occupé les premiers tems de la Convention nationale, ont retardé ces réclamations ; la terreur ensuite qui causoit une espèce de stupeur, les a empêchées, & l'on attendoit un tems où la Liberté ne seroit pas un vain nom une chimère.

A présent que nos armées triomphent par-tout ,que votre sagesse & votre énergie nous ont délivrés des tyrans, & qu'on peut avec sécurité réclamer la justice, nous croirons avoir bien mérité de la République, si nous sommes les premiers à vous mettre en état de réparer une injuriée aussi criante, en rapportant cette Loi désastreuse des 23 & 27 Août 1792.

Pour y parvenir, nous allons expliquer exactement ce que c'est que le Domaine congéable, & qu'elle a été son origine ; cette explication est nécessaire parce que n'étant en usage que dans une partie de la ci-devant Bretagne, très-peu de Députés le connoissent.

Nous ferons voir ensuite que cette Tenure n'est qu'une espèce particulière de ferme dont l'origine eut fondée fur les conventions les plus libres & les plus légitimes ; qu'on en a imposé à l'Assemblée Législative, quand on lui a dit qu'elle participoit de la nature des fiefs ; qu'elle est très avantageuse aux Domaniers, & beaucoup plus favorable à l'agriculture que les simples fermes ; que sa suppression fait perdre plus


de cent millons à la République, & nuira nécessairement au commerce & à la circulation des grains ; que les habitans de nos campagnes la regretteront enfin que cette loi est une violation de propriété, que l'autorité peut bien se permettre, mais dont aucune puissance n'a le droit.

Mais auparavant nous croyons devoir proposer à la sagesse de la Convention Nationale d'examiner si à l'époque des 13 & 17 Août 1792 l'Assemblée Législative avoit bien le droit de porter une pareille loi.

Elle avoit appelé une Convention, elle avoit déclaré qu'elle cessoit toutes fonctions Législatives, & ne s'occuperoit plus que de décrets de circonstances & de police générale que de ce qui pourroit intéresser le salut de la Patrie ; cependant dans un moment où le plus grand nombre des Députés n'assistoit plus aux séances, & où la très-majeure partie de ceux qui restoient, n'avoit aucune connoissance de la nature du domaine congéable, on lui fait rendre d'urgence, sans nulle discussion, un décret de cette importance ! D'urgence ! Dans une matière qui n'intéressoit qu'un très-petit point de la République, & sans aucun examen, sans aucune discussion, on ruine ainsi plus de 20 mille pères de familles ! Elle auroit donc pu décréter aussi légèrement la loi agraire !

Cette circonstance suffira seule sans doute pour déterminer la Convention Nationale à examiner ce décret dont elle reconnoîtra certainement & réparera l'injustice.

Le domaine congéable est un contract sinallagmatique, par lequel le propriétaire d'un terrain, soit en friche, soit déjà cultivé, l'afferme pour 9 ans pour un prix annuel convenu, soit en argent soit en grains & denrées, & aux conditions suivantes.


Si c'est un terrain en friche le preneur se charge de le défricher & mettre en valeur, de faire tels logemens & édifices que bon lui semble ou qu'il est stipulé par le contrat, avec faculté d'y faire des clôtures, qui dans la ci-devant Bretagne se nomment foffés & font des élévations de terre à la hauteur de 5 à 6 pieds, sur 3, 4 à 5 pieds de largeur, ordinairement bien garnis de bois courans qui se coupent tous les 9 ans [ 1 ] & sur lesquels on plante ou on laisse croître quelques arbres de futaie de distance en distance ; le preneur a la disposition des émondes de ces arbres, & de ceux qui sont en dedans des clôtures, sans pouvoir néanmoins les couper par pied il a aussi la faculté de faire des jardins, des vergers, & d'y planter toutes espèces de fruitiers & toutes ces améliorations lui appartiennent jusqu'à ce qu'il n'en ait été remboursé.

Le propriétaire qui, comme l'on voit, n'a fait qu'affermer le fonds, & qui se réserve les bois de futaies, que par cette raison l'on appelle bois fonciers, s'oblige à ne pouvoir congédier le preneur, même après l'expiration des 9 ans, sans lui rembourser, soit à l'amiable, soit à dire d'experts, toutes les améliorations qu'il y aura faites.

Si c'est un terrain déjà cultivé, le propriétaire qui retient toujours la propriété des bois afferme le fonds comme ci-


( 1) Ces fossés font inconnus ailleurs que dans la ci-devant Bretagne, où ils font nécessaires pour garantir les moissons des vents de mer, qui y font très-fréquents & très-nuisibles ; l'immense quantité des bois courants que ces fossés produisent, sert au chauffage tant des campagnes que des villes, & fait une grande épargne des bois de haute-futaye, si nécessaires à la construction dans des Départemens qui ont tant de ports-de-mer.


dessus pour neuf ans, pour un prix annuel convenu, soit en argent, soit en grains & denrées, & lui vend en outre les logemens & autres édifices, les fossés, les bois courans & les émondes des arbres qui se trouvent ou qui croissent sur les fossés & en dedans d'iceux ; les fruitiers qui sont dans les jardins & vergers, &. ceux qu'il y voudra planter, & se réserve néanmoins la faculté de le congédier a l'expiration du bail qui est toujours de 9 ans, en lui remboursant soit à l'amiable, soit à dire d'experts, la valeur actuelle de tout ce qui lui appartient. Les choses sujettes au remboursement soiit les maisons, écuries, étables, crèches, granges, aires, murs de clôtures, pailles, fumiers, engrais, fossés, bois courants, émondes, fruitiers, genêts & landes, & s'appellent édifices & superfices, ou droits réparatoires ; le preneur est appelé colon ou domanier ou convenancier, & l'on nomme Tenue ou Convenant, un héritage ainsi possédé à Domaine congéable.

Il y a quelques héritages ainsi tenus, où il n'y a pas d'habitations; on les nommes Tenues sans étages, ou par de-hors ,& Tenues étagères ou logées, celles qui ont des habitations, ce ont les plus ordinaires les tenues sans étages sont en petit nombre.

On sent bien que le prix de la ferme n'est point en proportion de l'étendue du fonds & qu'il est toujours très-modique, tant à cause des avances du preneur, que des commissions que le propriétaire espère à chaque renouvellement de bail dont nous parlerons bien-tôt ; il n'est pas rare de voir des tenues qui ne payent pas 30 livres de ferme, qui ont 40, 5o arpens & au delà.

Si le domanier ne veut pas se laisser congédier lorsque son