Ordres de chevalerie et croix potencée d'Ergué-Cabellic

De GrandTerrier

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Cet article donne les éléments historiques disponibles permettant de comprendre la symbolique du blason des Cabellic, la famille présumée fondatrice de la commune d'Ergué-Gabéric

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En se plongeant dans les arcanes des anciennes chartes du duc de Bretagne Conan IV et des symboles des ordres de chevalerie créés après les croisades, on peut élaborer quelques explications inédites sur l'origine du blason des Cabellic et seigneurs de Lezergué.

Sans oublier cette découverte archéologique, récente et improbable ... (à moins qu'il ne s'agisse d'un poisson d'avril !).

Autres lectures : « 1312, 1451 - Premières copies de la charte apocryphe du duc Conan IV pour les Hospitaliers » ¤ « 1980 - Choix d'un blason communal » ¤ « La maîtresse-vitre de la Passion de l'église St-Guinal » ¤ « Ponts de pierre sur le Jet ou l'Odet » ¤ « Familles nobles gabéricoises » ¤ « Familles nobles gabéricoises » ¤ « Familles Cabellic, Coatanezre et Autret » ¤ 

Présentation

En ce début de printemps, une découverte par un jeune pêcheur de saumons argentés - cf article du Télégramme du 01.04.2017, signé Yannick Peskebrel - a fait sensation dans les milieux archéologiques finistériens et les associations historiques saint-sépulcriennes : suite à un léger déport du Jet au niveau de Pont-Mein, une pierre encore verte de l'arche nord a révélé une croix potencée similaire au blason des fondateurs d'Ergué-Gabéric, évoquant une origine de chevalerie et de croisade. Et plus bas sous l'eau, on y distingue aussi une inscription supplémentaire en lettres latino-gothiques : « HODIE.I.IV », à la signification mystérieuse, mais marquant sans doute la présence localement d'Ordres de chevalerie.

Ce charmant petit pont, appelé "pont romain" par certains et plus connu sous le nom de « Pont Mein » (pont en pierres), situé au bout d'un chemin à la hauteur du village de Mélennec, avait pour vocation d'assurer un passage à pied ou en charrette sur le Jet entre les communes d'Ergué-Gabéric et Ergué-Armel en amont de l'Eau-Blanche. A-t-il été le lieu de passage de troupes de croisés comme sur cette photo de la reconstitution organisée sur le dit pont par la Ligue des Templiers Anonymes du Saint-Sépulcre (LTAS) ?


Le texte ci-dessus est bien entendu un poisson d'avril commis en 2017, ainsi que le montage photo ci-contre. À noter quand même que la pierre à la croix potencée existe bien, pas à Ergué-Gabéric, mais sous le pont des Templiers de Balizy en région parisienne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Commanderie_de_Balizy. Le texte et l'iconographie ci-après forment par contre une enquête très sérieuse, qui sera prochainement complétée des facsimilés de la charte de Conan IV (billet du 22.04.2017).

Dans la charte apocryphe [1] de l'an 1160, copiée au 14e siècle [2] et énumérant les biens bretons des Hospitaliers, successeurs des Templiers, il est question de l'aumônerie d'Arke qui pourrait être la petite paroisse d'Ergué-Armel, la chapelle Sainte-Anne-du-Guélen étant souvent associée aux Templiers. Mais il pourrait s'agir de la grande paroisse mère d'Ergué, avant le découpage en deux territoires et en incluant donc Ergué-Gabéric, car il n'est pas certain [3] que la dite chapelle du Guélen était un établissement templier (ou hospitalier car ces deux ordres étaient souvent confondus), les templiers étant installés peut-être en un autre lieu.

Toujours est-il que la croix blasonnée de la famille Cabellic qui a donné son nom à la paroisse d'Ergué-Cabellic (puis Gabéric), pose question, car sa symbolique ramène en ces temps troublés de la fin des croisades en terre sainte de Jérusalem. Ce n'est ni la croix pattée rouge des templiers, ni la croix blanche sur fond rouge des hospitaliers (ni de Malte).

Les croisettes et la croix potencée des Cabellic sont bien le symbole par excellence de Jérusalem et évoque le troisième ordre religieux et de chevalerie, après les Templiers et les Hospitaliers, à savoir l'Ordre du Saint-Sépulcre fondé par le croisé Godefroy de Bouillon et dont on trouvera le contexte historique ci-dessous.

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Mais le choix des couleurs du blason des Cabellic le démarque ; il n'est pas à enquerre [4] car il associe un métal argenté et un émail rouge, et inverse l'ordre des chevaliers du Saint-Sépulcre : la croix est blanche d'argent sur un fond "de gueule" (rouge vif).

On ne sait pas précisément pourquoi les Cabellic avaient ces armes bien typées, mais il est sûr qu'au 13e siècle ces nobles bas-bretons vivaient avec le référentiel religieux des croisades, ne serait-ce que parce que l'un d'entre eux était évêque de Quimper de 1267 à 1279, qu'ils avaient de par leur manoir de Lezergué des prééminences dans l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric avec exposition de leurs armoiries au-dessus de la maitresse-vitre.


Histoire et symbolique des croix

La croix de Terre Sainte est un très ancien emblème des chrétiens d'Orient, formé d’une croix à quatre branches égales, et dont chaque branche se termine par une béquille ou un tau. Dans sa version dite de Jérusalem, elle est composée d'une grande croix grecque cantonnée de 4 petites croix, également grecques, symbole des quatre Évangiles ou des quatre premières Églises chrétiennes après celle de Jérusalem. Le signe, associé au Royaume fondé par les croisés en 1099, figurait sur les monnaies, les mosaïques, les sceaux et les drapeaux.

L’ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, ordre religieux créé par Godefroy de Bouillon après la prise de Jérusalem en 1099, avait à l'origine comme symbole une croix patriarcale latine à double traverse (comme aujourd'hui la croix de Lorraine). Mais, par la suite, l'ordre de chevalerie du Saint-Sépulcre a adopté la croix potencée et les 4 croisettes des armoiries de Godefroy de Bouillon. Bien après les croisades, l'Ordre Équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, était connu par les adoubements renouvelés des chevaliers selon le cérémonial traditionnel de l'église sur le tombeau du Christ.

La croix dite de Jérusalem était aussi le symbole de la Custodie franciscaine de Terre sainte fondée en 1342 par les franciscains qui étaient restés présents en Terre sainte en 1220 après le départ des croisés.

Les croix respectives des templiers et des hospitaliers (ou Ordre de Saint-Jean de Jérusalem) sont bien sûr différentes de celle de Jérusalem. Pour les premiers il s'agit d'une croix pattée, et pour les seconds de deux bandes blanches de tissus croisées sur un fond rouge (par la suite les hospitaliers adopteront la croix à 8 pointes de St-Jean ou de Malte).

Les couleurs de la croix potencée de Jérusalem, en l’occurrence de l'Ordre Équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, sont rouges pour les croix et les croisettes, et blanches pour le fond, ce qui correspond en équivalent armorial à un émail rouge ("de gueule") sur un métal argenté.

Par contre le blason de Godefroy de Bouillon ne respectait pas la règle héraldique qui interdit de joindre deux couleurs de même nature, car le jaune ("d'or") et blanc ("d'argent") sont tous deux deux des métaux. On parle en l'espèce d'armes à enquerre [4].

Le blason des Cabellic et de la seigneurie de Lezergué qui se lit « de gueules à la croix potencée d'argent, cantonnée de quatre croisettes de même » n'est pas à enquerre, car l'émail argenté métallique est posé sur un émail rouge ; par contre les couleurs inversées constituent une différence notable par rapport à la croix des chevaliers de St-Sépulcre.


Iconographie


Annotations

  1. Apocryphe, adj. et s.m.pl. : du grec ἀπόκρυφος / apókryphos, « caché », qualifie un écrit dont l'authenticité n'est pas établie (Littré). Pour un texte ou un livre religieux dont l'origine divine n'est pas reconnue par l'Église et qu'elle place hors du canon des Livres inspirés (TLFi). Au pluriel, ouvrages composés par d'anciens hérétiques et attribués par eux à des auteurs sacrés (Littré). [Terme] [Lexique]
  2. La charte signée en 1160 à Quimper est la reconnaissance par le duc de Bretagne, Conan IV), à l'ordre des Hospitaliers en Bretagne, d'une liste de biens et aumônes octroyées à l'origine par lui-même et son père Conan III. Les deux ordres du Temple et de l'Hôpital coexistaient à l'époque avant de fusionner en 1312, cinq ans après la dissolution de l'ordre des templiers. La charte de 1160 peut être considérée comme apocryphe du fait qu'elle subsiste uniquement à l’état de copies ou réécritures tardives, les plus anciennes remontant à 1312 et 1451. La charte de 1160 fut éditée par Dom Morice en 1742, et étudiée successivement par Anatole de Barthélemy (1872), l'abbé Amédée Guillotin de Corson (1902) et François Colin (ABPO 2008).
  3. Sainte-Anne-du-Guélen appartenait à la seigneurie du Plessix dès le début du 13e siècle et n'était pas - ou n'était plus s'il est prouvé qu'elle le fût - un établissement hospitalier ou templier.
  4. 4,0 et 4,1 Armes à enquerre, g.n.pl. : expression utilisée pour qualifier les armes qui ne sont pas selon les règles ordinaires du blason, plus particulièrement la règle dite « de contrariété des couleurs », et qui offrent métal sur métal, ou émail sur émail, faites ainsi, selon certains, pour attirer l'attention sur un fait remarquable dont on doit s'enquérir, mais qui, la plupart du temps, n'est qu'une façon « polie » de signaler une entorse fautive (Wikipedia). [Terme] [Lexique]



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Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Création : Mars 2017    Màj : 12.07.2023